Raymond de Durfort-Léobard

De Marquerose
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Biographie selon Fisquet

Cinquième fils de Gilles François de Durfort et de Jeanne de Méreully, dame de Cavanies, Raimond de Durfort naquit au château de la Roque, dans le diocèse de Cahors, le 10 août 1725. Destiné de bonne heure par sa famille à la carrière ecclésiastique, il fut minoré le 5 juin 1746 à Paris, sous-diacre le 27 mai 1747, diacre le 8 juin 1748, prêtre le 20 décembre 1749, des mains de M. de Reaumont, archevêque de cette ville. Nommé le 3 mai 1750 abbé commendataire de la Vieuville au diocèse de Dol, il fut pourvu le 11 mai 1761 d'une charge d'aumônier du roi, et remplissait, ces fonctions, lorsque, le 13 juillet 1764, le roi le désigna pour monter sur le siège épiscopal d'Avranches que la mort de Durand de Missy, arrivée le 3 avril précédent, avait laissé vacant. Sa nomination ayant été confirmée par le Pape, l'abbé de Durfort fut sacré le 8 septembre suivant dans la chapelle du château de Versailles, par Charles-Antoine de la Roche-Aymon, archevêque-duc de Reiras, assisté de Jean-Armand de Roquelaure, évêque de Senlis, et de Henri-Joseph-Claude de Bourdeilles, évéque de Soissons. Le surlendemain, il prêta, entre les mains du roi, le serment accoutumé. Louis-Philippe de Saint-Germain, grand vicaire et officiai d'Avranches, prit, en son nom, possession du siège épiscopal, le 27 novembre 1764. Un Mandement adressé de Tours à ses diocésains, le 24 janvier 1766, à l'occasion de la mort de Louis, dauphin de France, est le seul monument qu'ait laissé son administration.

Le 25 mai de cette même année, il fut transféré à l'évêché de Montpellier, pour lequel il fut préconisé dans le consistoire du 6 août suivant.

Ayant prêté de nouveau serment pour ce siège le 23 du même mois. M. de Durfort vint à Montpellier, et fut solennellement installé par le chapitre cathédral le 21 novembre. Bientôt après, il commença la visite générale de son diocèse avec un zèle qui étendit sur toutes les parties du culte et de l'administration ecclésiastique ses pieuses explorations : l'instruction des fidèles, la décence des églises et des ornements, l'examen des maîtres et des maîtresses d'école, la tenue des registres civils par les curés, etc., excitèrent également sa sollicitude. Ce prélat, dont la bienfaisance se répandait sans cesse en secours sur les misères du peuple, enrichit sa cathédrale de quelques ornements et vases précieux, et sa main généreuse soutint aussi certaines communautés que le dénûment menaçait de dissoudre. Le 15 janvier 1774,1e roi nomma le pieux prélat à l'archevêché de Besançon dont le titulaire était, depuis le XIe siècle, prince du Saint-Empire. Les translations d'évêques, si contraires à l'esprit de l'Eglise et à la nature même de l'institution de l'épiscopat étaient, à cette époque, une des plaies du sanctuaire. M. de Durfort dut son élévation à cet abus qu'entretenaient les intrigues de certains prélats et de leurs familles, mais il faut lui rendre cette justice qu'il demeura personnellement étranger à toutes démarches. Des qualités aimables et des vertus solides le firent bientôt honorer et estimer dans son nouveau diocèse. Humble, modeste, mortifié, il était de la plus grande affabilité envers tous ceux qui l'approchaient.

Préconisé dans le consistoire du 9 mai 1774, M. de Durfort reçut le pallium le 17 juin suivant, dans la chapelle de l'archevêché de Paris, des mains de Christophe de Beaumont, archevêque de cette ville, et prêta, le lendemain, entre les mains du roi, le serment de fidélité d'usage. A peine eut-il pris possession de ce nouveau siège qu'il s'attira l'amour et la vénération de ses diocésains. Pieux, de mœurs irréprochables, d'une simplicité qui contrastait avec le luxe mondain de son prédécesseur, le cardinal de Choiseul-Beaupré, l'archevêque de Besançon ne mettait point de bornes à sa charité et à sa bienfaisance.

On cite, de cette dernière vertu, un trait que nous ne saurions passer sous silence. Un peintre habile dans son art, poursuivi pour dettes, vint lui demander asile ; M. de Durfort le reçut dans son palais et, s'intéressant en sa faveur, il parvint à adoucir des créanciers jusqu'alors impitoyables. Pour mettre l'artiste à même de s'acquitter, il lui fit exécuter la longue série des archevêques de Besançon, ses prédécesseurs. Chaque fois qu'il avait à lui payer le prix de son travail, l'ingénieux prélat partageait la somme en deux. « Voici, mon ami, disait-il au peintre, pour subvenir à l'entretien de votre famille, et voilà pour éteindre vos dettes. » Par cet acte à la fois de justice et de charité, M. de Durfort secourut la famille de l'artiste en désintéressant aussi les créanciers. Ce trait de bienfaisance a été raconté à Son Éminence le cardinal Mathieu, par le fils même du peintre.

Peu de mois après son arrivée à Besançon, le vénérable prélat commença la visite de son diocèse. Le Mandement qu'il publia pour l'annoncer, prouve que le jour où elle avait lieu dans chaque paroisse était chômé par les habitants jusqu'à midi, et que dans le diocèse, on était dans l'usage d'administrer le sacrement de Confirmation aux enfants, dès l'âge de sept ans, avant qu'ils eussent fait leur première communion. Lorsqu'ils étaient âgés de huit ans, on exigeait seulement qu'ils se confessassent avant d'être confirmés.

M. de Durfort obtint, le 6 octobre 1774, l'abbaye de Lessay, au diocèse de Coutances, et conféra l'onction épiscopale à deux de ses diocésains dans l'église de Saint-Louis, à Versailles ; le 13 août 1775, à Pierre-Joseph Perreau, qu'il sacra évêque de Tricomie in partibus, avec l'assistance de Léon-François-Ferdinand de Salignac de la Motte-Fénelon, évêque de Lombez, et de Jean-Baptiste du Plessis d'Argentré, évêque de Tagaste in partibus ; et le 23 juin 1776, à Jean-Baptiste Dubourg-Miroudot, évêque de Babylone, avec l'assistance de Matthias Poncet de la Rivière, ancien évêque de Troyes, et de Pierre-Joseph Perreau évêque de Tricomie. En cette même année 1776, il fit réimprimer le Catéchisme donné par François-Joseph de Grammont, l'un de ses prédécesseurs ; en 1780, il publia une nouvelle édition du Missel du cardinal de Choiseul, en y faisant quelques changements utiles, et, en 1789, une édition du Manuel pour l'administration des sacrements. Il allait publier un Cérémonial, mais les événements de la révolution l'en empêchèrent.

L'archevêque de Besançon conclut le 17 novembre 1779, avec Frédéric-Louis-François de Wangen-Géroldseck, évêque de Bâle, un échange de paroisses qui apporta quelques modifications aux limites orientales du diocèse de Besançon. Il céda, dans la principauté de Porentruy, vingt paroisses qui, depuis six siècles, dépendaient de Besançon, et en retour, l'évêque de Bâle mit son métropolitain en possession de vingt-neuf églises, tant curiales que succursales, situées dans la partie française de la Haute-Alsace. Confirmé par une bulle de Pie VI le 30 janvier 1780, et par l'empereur Joseph II, au mois d'octobre suivant, cet échange ne fut mis à exécution que le 20 janvier 1782.

Depuis longtemps, le trop grand nombre de fêtes chômées servait de thème aux déclamations du philosophisme voltairien. Aussi quelques-uns des prédécesseurs de M. de Durfort avaient permis le travail aux artisans et aux habitants des campagnes, soit avant, soit après la messe, en certaines de ces fêtes. M. de Durfort crut devoir en supprimer quelques autres par un Mandement du 17 mai 1786, et transféra, par exemple, au dimanche suivant, les fêtes de saint Ferréol et de saint Ferjeux et des patrons paroissiaux. Il fixa aussi la dédicace des églises au dimanche qui suit la fête de saint Martin, en novembre.

Pourvu en 1781 de l'abbaye de la Charité en son diocèse, M. de Durfort se démit, en 1784, de celle de la Vieuville. Le 6 février 1787, il envoya des missionnaires à Lons-le-Saulnier, et le corps municipal de cette ville, par délibération du 1er mars, lui adressa des remerciements au sujet de cette mission. Lorsque l'Assemblée constituante eut ordonné la suppression des monastères, il procura aux religieux de la Trappe qui, le 26 avril 1791, quittèrent la France, une retraite dans le diocèse de Fribourg. A sa demande, le sénat de cette ville accueillit avec bienveillance ces nouveaux hôtes, et M. de Durfort favorisa, par les largesses de sa charité, leur établissement à la Val-Sainte.

M. de Durfort refusa énergiquement le serment exigé par le décret sur la constitution civile du clergé et fit les plus grands efforts pour préserver ses diocésains' du schisme qui se consommait en Franche-Comté. Le 11 avril 1791, il adhéra à l'Instruction pastorale donnée, le 15 mars précédent, par M. de la Luzerne, évêque de Langres, sur les règles à suivre pour l'administration des sacrements dans les circonstances difficiles qui s'annonçaient. Il reçut aussi le bref publié le 10 mars de cette année par le Pape, pour démontrer que la constitution civile du clergé était contraire à l'Écriture sainte, à la tradition et aux principes constitutifs de l'Église catholique. Le souverain Pontife adressa encore le 30 avril, aux fidèles et au clergé de France, un autre bref portant suspense de leurs fonctions pour les ecclésiastiques assermentés qui, dans quarante jours, ne rétracteraient pas leur serment. Il annula encore les érections des nouveaux sièges épiscopaux et les élections des pasteurs faites ou à faire, et privait de toute juridiction pour le gouvernement des âmes les prêtres constitutionnels. M. de Durfort se trouvait à Pontarlier, quand ce dernier bref lui parvint. Il y adhéra et le publia le 13 mai 1791, dans son diocèse, autant que le permettaient les malheureuses circonstances de cette époque. Après avoir séjourné quelques mois dans cette ville avec l'un de ses grands vicaires, M. l'abbé Petitbenoit de Chaffoy, mort depuis évêque de Nîmes, il franchit la frontière et se fixa à Soleure.

Depuis longtemps, le vénérable archevêque voyait sa santé s'altérer et ses forces défaillir. Le chagrin l'avait miné, mais à l'heure de sa mort, il ressentit la plus grande consolation d'avoir conservé la foi et de pouvoir rendre le dernier soupir dans le sein de l'Eglise. Il exprima ses sentiments avec énergie et à différentes reprises. Il mourut dans la 67e année de son âge, le lundi 19 mars 1792, en faisant des vœux pour son Église et pour sa patrie. MM. de Chaffoy et de Villefrancon, ses vicaires généraux et les compagnons de son exil, lui rendirent les derniers devoirs. On l'inhuma dans la cathédrale de Soleure, et son cœur fut déposé dans l'église des religieuses de la Visitation de cette ville. Sur la pierre qui le recouvrait, on grava l'inscription suivante : J'ai bien combattu, j'ai conservé ma foi, et il ne me reste qu'à recevoir la couronne de justice. Ces paroles si simples n'étaient point de style d'épitaphe ; soit en France, soit en exil, l'archevêque de Besançon avait énergiquement combattu le schisme constitutionnel. Raimond de Durfort, à force de piété et de services, a laissé la mémoire la plus honorable et la plus vénérée dans les deux diocèses qu'il fut appelé successivement à gouverner.

M. Bernard-Emmanuel de Lentzbourg, évêque de Lausanne, en sa qualité de premier et de plus ancien des suffragants, prit les rênes de l'administration du diocèse de Besançon, conformément à la décision du concile de Trente, puisque le chapitre métropolitain, dispersé lui-même, ne pouvait l'exercer. Dans l'Instruction pastorale qu'il donna, le 20 avril 1792, pour inaugurer son administration, il s'appliqua surtout à inspirer aux fidèles une juste horreur du schisme. Philippe-Charles-François Seguin, métropolitain constitutionnel de l'arrondissement de l'Est, c'était ainsi que la constitution civile désignait le diocèse de Besançon, publia, de son côté, une lettre pour annoncer la mort de M. de Durfort. Il y avançait que ce prélat s'était repenti d'avoir refusé le serment, et il s'efforça de profiter de la circonstance pour se créer des partisans en faisant l'éloge de son prédécesseur et en annonçant un service pour le repos de son âme. L'évêque de Lausanne, par une nouvelle lettre du 14 mai suivant, dut démentir les bruits calomnieux répandus à l'occasion de la mort du vénérable prélat.

Le corps de Mgr Raimond de Durfort était resté depuis 1792 sous la garde du chapitre de Soleure. Son Eminence le cardinal Mathieu était depuis longtemps préoccupé de la pensée de rendre à son diocèse ces restes vénérés. Après avoir aplani toutes les difficultés, l'illustre prélat a été assez heureux pour exécuter son pieux dessein. Le mercredi 13 mai 1868, le corps de l'archevêque mort en exil pour la foi, est rentré glorieusement dans son ancienne église et a été déposé dans un des caveaux de l'église métropolitaine de Saint-Jean. La cérémonie des funérailles se fit avec le plus grand éclat.

A sept heures et demie du matin, le canon de la citadelle annonça que les dépouilles mortelles de Mgr de Durfort rentraient à Besançon. Plus de cinq cents prêtres, tous en surplis, s'avançaient précédés de la croix, puis suivaient les RR. PP. Capucins et deux Dominicains, le clergé des paroisses de Besançon, le chapitre métropolitain, et enfin NN. SS. Marguerye, évêque d'Autun ; Foulon, évêque de Nancy ; Lachat, évêque de Bâle ; Marilley, évêque de Lausanne ; Nogret, évêque de Saint-Claude ; Guerrin, évêque de Langres ; Caverot, évêque de Saint-Dié ; Hacquart, évêque de Verdun ; Rœss, évêque de Strasbourg ; et enfin le célébrant, Son Eminence le cardinal Mathieu, archevêque de Besançon.

Derrière le corbillard marchaient les parents de Mgr de Dur-fort.

Une foule immense se pressait aux fenêtres et dans la rue sur le passage du cortège. Les cloches des paroisses de la ville et de la métropole sonnaient, à grandes volées, des glas funèbres.

S. Em. le cardinal Mathieu, célébra la messe. Après la messe, il y eut cinq absoutes autour du catafalque, la dernière par Mgr Mathieu. Pendant ces dernières prières, le canon de la citadelle retentissait pour annoncer que les restes vénérés de Mgr de Dur-fort allaient reprendre leur place entre les restes des autres archevêques, dans les caveaux au-dessous même du maître-autel.

Après l'Evangile, M. l'abbé Besson, supérieur du collège catholique de Besançon, prononça le panégyrique de Mgr de Durfort. Il traça, avec le talent qui le distingue, les principaux traits de la vie de cet archevêque, qui a été un caractère à part. On dirait qu'il avait été préparé pour l'époque terrible qu'il devait traverser. Pour retenir ce qui menace de s'écarter, et pour garder allumée la mèche qui va s'éteindre, il n'a reculé devant aucune concession possible. Il bénit les drapeaux de la patrie dans sa métropole, il vend sa vaisselle, livre ce qu'il possède et fait le sacrifice de l'argenterie de l'église pour les besoins publics. Il se dépouille encore pour les pauvres. Rien n'arrête ceux qui ont en mains les destinées du pays. On veut le forcer à trahir sa foi et son Dieu. Il ne trahit ni son Dieu ni sa foi ; mais il est forcé de prendre le chemin de l'exil, et il y meurt. Il y meurt sans avoir poussé une seule plainte contre ceux qui l'ont proscrit, achevant sur la terre d'exil d'être le modèle le plus parfait d'un évêque, dans les temps difficiles, et en tout temps, ferme et doux, sage et prudent, un vrai confesseur de la foi.

Les Mandements de Mgr de Durfort indiquent un évêque supérieur à son temps et l'esprit le plus cultivé.

Ce prélat portait pour armoiries : écartelé, au 1er et au 4e d'argent, à la bande d'azur, qui est de Durfort ; au 2e et au 3e de gueules, au lion couronné d'or, accompagné de 12 besants d'argent, qui est de Cardaillac.