In Memoriam Gabriel Brunhes, évêque de Montpellier (source)

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Son Excellence Monseigneur Gabriel Brunhes, évêque de Montpellier (1932-1949). In Memoriam.

Lettre de Monseigneur Jean Duperray, évêque de Montpellier

Evêché de Montpellier

Montpellier, le 8 mai 1949

C'est satisfaire un besoin légitime du cœur et répondre à un sentiment naturel de reconnaissance que d'offrir cet hommage à la mémoire de notre Evêque regretté, Monseigneur Brunhes.

Pendant dix-sept ans d'épiscopat il a insisté auprès de tous, prêtres et fidèles, sur la primauté de la vie intérieure, l'importance de l'instruction religieuse pour tous et à tout âge, et la nécessité de l'Action Catholique.

Il continuera à nous parler à travers ces lignes trop modestes. A les relire, nous retrouverons un peu de son influence bienfaisante, persuadés que, du haut du ciel où, nous l'espérons, la miséricorde divine le recevra bientôt, il continuera à veiller sur ce cher diocèse.

+ Jean, Evêque de Montpellier, Agde, Béziers, Lodève et St-Pons-de-Thomières

De l'évêque - Réflexions doctrinales

Nous ne pouvons faire meilleure introduction à cet hommage offert à la mémoire de Mgr Brunhes sans rappeler en quelques lignes la place de l'Evêque au sein de la communauté chrétienne.

Pour les esprits superficiels l'Evêque apparaît comme un simple administrateur religieux, comme une sorte de préfet ecclésiastique. Ne le voir que sous cet angle serait méconnaître son rôle. L'Evêque est plus qu'un fonctionnaire supérieur, il est le Père en Dieu des âmes dont il a la charge.

En ce XXe siècle, siècle de la fraternité, où l'Humanité se sentant adulte ne veut voir en chaque homme qu'un égal et non un supérieur, il peut paraître inopportun de présenter l'Evêque sous l'angle du Père. Pourtant, souligner un tel caractère n'impliqué aucune critique et encore moins aucune condamnation de cette poussée d'amitié entre les hommes, condition première de la paix dans le monde. Mais nous nous devons d'aller au delà ; de même que; dans un autre ordre d'idées, la fraternité du Christ ne doit pas nous faire oublier la paternité de Dieu.

De leur père selon la chair les enfants tiennent leur vie physique ; l'Evêque en tant que Père des âmes est lui aussi à la source de la Vie.

Membres d'un corps mystique dont le Christ est la tête, nous y sommes incorporés par le baptême. De ministre ordinaire : le prêtre, ne baptise qu'en vertu du pouvoir reçu de l'Evêque. D'efficacité du sacrement ne dépend pas de sa vertu personnelle mais de la réalité de son enracinement, par l'intermédiaire de l'Evêque, au sacerdoce: du Christ.

Non content d'être à la source de la Vie, jouissant de la plénitude du Saint-Esprit, l'Evêque parce que Père se doit de l'alimenter et de la développer. Juge et Docteur de la Foi, il en est constitué le Gardien. Non dans le but de la conserver comme un maître jaloux et égoïste mais au contraire pour la répandre par l'enseignement et le témoignage au troupeau fidèle et également se préoccupant de la faire passer à toutes les âmes dont il porte la responsabilité devant Dieu.

Cette responsabilité lui a été confiée par le Christ lorsque s'adressant aux Apôtres, et par là aux Evêques successeurs des Apôtres, il leur ordonna d'aller enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

L'Evêque, seul responsable de l'accroissement du règne de Dieu dans son diocèse, est le seul juge des formes de l'apostolat hiérarchique qu'il est opportun de prendre pour y parvenir. Pour le conseiller et l'aider dans cette tâche immense dont les lourdes responsabilités s'accroissent chaque jour il associe à son apostolat missionnaire, prêtres et laïques, dont la mission d'Eglise est authentiquée par le mandat qu'ils ont reçu de lui.

C'est de son titre de Père et Pasteur, ayant la charge de faire paître les brebis, que l'Evêque tire son autorité. Son pouvoir de chef n'a, en effet, d’explication qu'en vue de la mission qui lui est assignée, d'être parmi ses frères, le pourvoyeur de vie divine en faisant régner la Charité. A cette autorité découlant de sa Paternité, la Paternité met une note particulière ; en tant que Chef et Père l'Evêque amène les âmes au Dieu-Amour par l'amour. D'union avec l'Evêque, lui-même en communion avec le Pape, est une des garanties indispensables pour marcher dans la Vérité. On ne peut se séparer de l'Evêque sans se séparer de la Vie ; sans se couper du Christ ; sans devenir un membre mort.

« Un seul Seigneur, s'écrie St Paul, un seul Seigneur une seule foi, un seul baptême (Ephes. IV, 5)... Et St Ignace d'Antioche de compléter : Il n'y a qu'une seule chair de Notre-Seigneur, une seule coupe pour nous unir dans son sang, un seul autel comme il n'y a qu'un Evêque. »

« Une seule foi, celle qui est authentiquée par l'Evêque, enseignée par lui.

« Un seul baptême, celui qui est conféré par l'Evêque ou sous Son autorité.

« Une seule eucharistie, celle qui est présidée par l'Evêque ou célébrée en union avec lui (Abbé Martimort, - De l'Evêque). »

Ces divers aspects de l'Evêque découlant de sa Paternité spirituelle sur les âmes précisent la grandeur de sa fonction. Evêque visible représentant l'Unique Evêque invisible, il tient la place de Dieu. A lui doit donc aller notre respect, notre affection, notre obéissance.


Hommage de son éminence le cardinal Saliège, archevêque de Toulouse

Mgr Brunhes appartenait au diocèse de Paris. Originaire de Saint-Flour, il avait fait ses études au Séminaire de Saint-Sulpice, puis à l'Université de Fribourg où il avait été l'élève du P. Mandonnet dont le nom revenait souvent dans ses conversations.

Je fis sa connaissance en octobre 1903 où, par la volonté de mon Evêque, je faisais partie, comme l'abbé Gabriel Brunhes, de l'équipe qui remplaçait au Grand Séminaire les prêtres de la Mission condamnés à partir par M. Combes. Nous sommes encore quatre vivants de cette équipe. L'un, aumônier de Notre-Dame à Mauriac, un autre, chanoine titulaire, enfin le troisième Supérieur du Grand Séminaire, et moi-même.

M. l'abbé Brunhes était de formation universitaire. Il avait lu et médité Newmann, Moelher. Il aimait à remonter aux sources. Prenant le Dogme à son origine, et le suivant jusqu'à la définition conciliaire, il montrait qu'au lieu d'être figé il était vraiment vivant.

Parmi les élèves; à cette époque, une grande fermentation intellectuelle que je n'ai rencontrée nulle part ailleurs. Les professeurs étaient portés d'une part par la curiosité intellectuelle, d'autre part par l'amour du travail et la bonne volonté des séminaristes. La fonction n'était pas une sinécure. Un grand et continuel labeur s'imposait.

M. l'abbé Brunhes exerça sur ces jeunes esprits une influence intellectuelle considérable et salutaire. Il fut vraiment un maître et un initiateur.

Sa direction était très appréciée, son contact bienfaisant.

Une grande union régnait entre les professeurs ; un esprit commun les animait tous.

L’abbé Brunhes nous, quitta pour le Grand Séminaire de Dijon.

S'il fallait caractériser d'un mot sa vie intellectuelle, on pourrait dire qu'elle était faite de loyauté : « est, est - non, non ». Le tout fait ne lui plaisait pas. Il voulait vérifier. On ne lui faisait pas accroire. Les études du P. Lagrange lui étaient familières. Par son enseignement, il donna aux élèves une vue exacte du catholicisme et de sa doctrine. Aussi le diocèse n'eut pas à souffrir de la crise moderniste.

Sa piété était dogmatique. Les petites dévotions n'étaient pas son fait. Il les acceptait pour les autres.

Son âme était droite. Sa spiritualité reposait sur l'Evangile et sur Saint Paul. Elle n'était ni encombrée, ni encombrante. Elle était dégagée, comme sa personne.

Les vertus naturelles qu'il tenait de sa famille lui rendaient facile l'exercice des vertus surnaturelles correspondantes.

Il aimait beaucoup à étendre le cercle de ses relations pour s'instruire et pour faire du bien.

C'était l'homme des contacts.

Il ne s'embarrassait pas de manières.

Aimable et courtois, il réservait à ses visiteurs un accueil familier et allait droit au but.

Ce qu'on appelle la diplomatie ecclésiastique lui était complètement étranger. Avec lui on savait à quoi s'en tenir. Il tenait parole.

Ayant une haute conscience de ses responsabilités, il voulait être informé et prendre la décision.

Formation universitaire, piété profonde, théologie aérée, il s'apparentait par bien des traits au Cardinal Petit de Julleville, archevêque de Rouen, auquel l'unissait l'amitié contractée à Dijon, Prêtre, évêque, il fut toujours à la hauteur de sa tâche. L'épreuve ne le surprit pas. Elle faisait partie, pourrait-on dire, de la tradition familiale. Il s'y attendait. Jusqu'à la fin prêtre et évêque.

+ Jules Géraud, Cardinal Saliège, Archevêque de Toulouse.


Monseigneur Gabriel Brunhes, impressions sur une vie

Lorsque le 20 mai 1932 le diocèse apprenait la nomination de Mgr Brunhes comme Evêque de Montpellier, ce nom, Montpellier, ville universitaire par excellence, ne pouvait l'ignorer.

Mgr Brunhes appartenait en effet par sa famille à l'Université. Ne à Saint-Flour le 5 septembre 1874, son père prendra sa retraite comme Doyen de la Faculté des Sciences de Dijon. Son frère aîné Bernard mourut étant Directeur de l'Observatoire du Puy-de-Dôme et Professeur à la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand ; son second frère, Jean, connu du monde entier comme le créateur d'une nouvelle science : la Géographie Humaine, devint, après avoir été professeur à l'Université de Fribourg en Suisse, professeur au Collège de France et membre de l'Institut ; Louis, le troisième, était sorti de l'Ecole Polytechnique et se créa une brillante situation dans l'industrie électrochimiques ; son frère Joseph, mort au début de 1949, était bâtonnier de l'Ordre des Avocats à Dijon et à la tête de toutes les œuvres diocésaines.

Dans un tel milieu Mgr Brunhes ne pouvait que poursuivre ses études universitaires. Il passe deux ans au Lycée de Toulouse, neuf ans au Lycée de Dijon, deux ans au Lycée Louis-le-Grand à Paris, en rhétorique supérieure. Il couronne en Sorbonne ses années d'études par la licence de philosophie. Puis, assuré depuis longtemps de son appel au sacerdoce, il va frapper en octobre 1895 à la porte du Séminaire St-Sulpice. Prêtre en 1900, il poursuit ses études supérieures auprès de son frère Jean à l'Université de Fribourg où il conquiert après deux ans de séjour le titre de Docteur en philosophie. Par le fait des circonstances il est appelé à exercer le ministère paroissial durant un an à la paroisse St-Joseph des Eaux-Vives de Genève. Mais en 1903 l'Evêque de Saint-Flour le demande et l'obtient pour assurer l'enseignement du dogme à son Grand Séminaire. Il s'y lie d'une amitié profonde avec l'abbé Saliège, professeur de morale au même Séminaire, actuellement Cardinal-Archevêque de Toulouse. Dijon s'aperçoit qu'il peut avoir des droits sur Saint-Flour et Mgr Dadolle, Evêque de Dijon, est heureux de le compter, à la rentrée d'octobre 1906, parmi les professeurs de son Grand Séminaire. Il y demeurera jusqu'en 1932. Successivement professeur de Théologie fondamentale, puis de Théologie dogmatique, il acquiert une grande influence auprès de ses élèves par son enseignement solide et adapté. Sa profonde culture lui permet de traverser sereinement la crise du Modernisme et d'être le conseiller et le guide sur lequel tous pouvaient compter. Des préoccupations de son enseignement se trouvent traduites dans deux livres devenus classiques : l'un, « Christianisme et Catholicisme », véritable traité de l'Eglise, montrant notamment la vie du Christianisme à travers les âges et présentant les conditions possibles pour qu'à nouveau puisse se faire l'unité chrétienne ; l'autre, « La Foi et sa Justification rationnelle », soulignant ce qu'est la Foi ; quelle est dans cette démarche unique la part de l'homme et la part de Dieu. Véritable initiation à la doctrine catholique sur la Foi. Un troisième sur la Grâce était en préparation, mais hélas les lourdes charges de l'épiscopat ne lui permirent pas de le mener pleinement à bout.

Mais son activité ne se déploie pas seulement dans le seul domaine intellectuel. Dès 1907 il est chargé par Mgr Dadolle d'un enseignement supérieur de la Religion et chaque année un fidèle auditoire suit les exposés magistraux du professeur. En 1919 Mgr Brunhes est nommé aumônier de la Maison du Bon Pasteur. Il aima profondément ce ministère qui l'amena à s'occuper de 27 religieuses et d'une centaine de jeunes filles et d'enfants. En 1927 Mgr Petit de Julleville, Evêque de Dijon, le pria de le remplacer dans la charge d'Aumônier général de la Fédération française des Etudiantes Catholiques.

« Est-ce tout, écrit Mgr Petit de Julleville dans sa lettre à son clergé annonçant la nomination de Mgr Brunhes. Non pas, on ne saurait oublier l'enseignement religieux donné chaque semaine aux classes supérieures de l'école St-Dominique ; ni les retraites fermées prêchées à Dabussière ; ni l'aumônerie du Cercle Fénelon (Etudiantes de l'Université) ; ni les retraites pastorales prêchées dans bien des diocèses... Et moins encore la direction spirituelle donnée à un si grand nombre d'âmes appartenant à toutes les situations et à tous les milieux, soit au confessionnal, ouvert tous les jours, soit par correspondance. En vérité on se demande avec quelque surprise comment Mgr Brunhes a pu suffire à tant de tâches, et si diverses. Que nos frères catholiques de Montpellier se réjouissent ! De Souverain Pontife leur envoie un homme de doctrine, au sens vrai du mot ; mais cet homme de doctrine est en même temps un homme de zèle et d'universelle charité. »

Tel était celui qui, le 30 août 1932, prenait contact avec son peuple dans une cathédrale archicomble. Déjà la première lettre pastorale de Mgr Brunhes avait souligné le rôle de l'Evêque. L'Evêque, Père en Dieu de toutes les âmes à lui confiées ; l'Evêque, dispensateur et messager de Vie ; l'Evêque, centre d'unité & l'Evêque, défenseur de la Vérité soutenu dans les devoirs de sa charge par la grâce de Dieu et l'autorité du Siège apostolique. Dispensateur et messager de Vie, Mgr Brunhes l'affirmait déjà par la devise qu'il avait choisie : Faire connaître les richesses du Christ. Ces richesses, plus qu'aucun autre Mgr Brunhes est apte à les répandre. Sa culture profonde, sa large ouverture, son raisonnement équilibré, son « penser juste » l'aidaient à voir nettement et rapidement le conseil à donner, la ligne de conduite à suivre. Sa maîtrise dans le maniement des idées lui permit, dans les circonstances difficiles, de prendre toujours la position qu'il convenait à l'heure où il le fallait. Il fut l'Evêque à l'intelligence claire.

Il eut un vrai culte pour la pensée. Des penseurs qui méritaient ce titre furent toujours sûrs de trouver auprès de lui un ami dévoué qui n'hésitait pas à prendre courageusement leur défense lorsque l'occasion s'en présentait. Il avait horreur de ce qui était trompe-l'œil, fausse culture, esprit superficiel. Il sentait plus qu'aucun autre, la nécessité d'une formation intellectuelle à bases solides pour tous les hommes plongés dans l'action. Mais ce culte de la pensée ne lui faisait pas oublier la nécessité de déboucher dans la vie. Il nous vient à la pensée ce leitmotiv revenant sans cesse au cours d'une des toutes dernières réunions du Comité diocésain d'Action Catholique qu'il présida : devant un problème qui se posait alors que la discussion se perdait dans les généralités, il répéta plusieurs fois : « Qu'est-ce que nous allons faire ? ». Cependant sous prétexte d'action il ne voulait pas se leurrer de mots. Un mouvement pour lui n'était pas quelque chose en l'air mais quelque chose qui s'insérait dans la vie, quelque chose qui répondait à un' besoin. Il n'aimait pas le factice, le contre-plaqué. Il n'autorisait pas dans le diocèse un mouvement pour le mouvement mais parce que ce mouvement répondait à un besoin réel des âmes ou de telle ou telle paroisse.

Dispensateur et messager de Vie, Mgr Brunhes le fut par son enseignement. Celui qui parcourt l'ensemble de ses lettres pastorales verra toujours ce souci de contribuer à une revalorisation du christianisme de ses fidèles en recommandant une religion davantage personnelle, ce qui est à l'opposé d'une religion individualiste, afin que prenant une conscience plus précise de leurs responsabilités ils puissent ê1j§e chacun en particulier des témoins rayonnants du Christ. Ses premières lettres pastorales traitèrent de la Personnalité chrétienne, de l'Intégrité chrétienne. Les dernières de la Sainteté catholique. Elles marquent la préoccupation constante de l'Evêque d'insister sur la nécessité d'une vie chrétienne profonde.

Très ouvert aux questions sociales il sut encourager et soutenir toutes les initiatives et prendre position dans des communiqués remarquables de clarté.

Au moment où il arrive à Montpellier l'Action Catholique vient de prendre son essor et s'oriente vers des buts précis. Dès octobre 1932 il la réorganise sur le plan diocésain. Il la favorisera tout au long de son épiscopat en accompagnant de toute sa sollicitude le démarrage ou le développement des mouvements spécialisés par ce qu'ils prennent conscience plus étroite des problèmes de vie de leur milieu et par là répondent à un besoin ; en libérant progressivement les prêtres nécessaires pour soutenir les militants engagés. Cette sollicitude ne lui fait pas oublier les mouvements d'Action Catholique générale qui, sur un autre terrain, concourent à faire pénétrer toujours plus profondément l'Evangile dans toute la vie.

En 1934 il est élu à l'Académie des Sciences et Lettres de Montpellier et une ironie, sans doute voulue, le fait succéder à M. le Recteur Coulet, tandis que M. le Recteur Taillard prend place au fauteuil laissé libre par l'éloignement de Montpellier de Mgr Halle.

En 1946 le Pape l'honore, à l'occasion du VIIe Centenaire de la fondation de la Faculté des Lettres du Sacré Pallium, voulant marquer par là en quelle estime il tenait l'Evêque de Montpellier, Ce fut le couronnement de son épiscopat.

Les nombreuses responsabilités que procurent l'administration d'un vaste diocèse, les événements douloureux de la guerre, où l'Evêque demeura toujours confiant dans la victoire de la France malgré tout ce qui aurait pu l'induire à penser autrement, minèrent sa santé. Un commencement d'attaque le 17 juin 1946 au cours de sa messe l'obligea à ralentir ses activités. L'Evêque fut atteint dans son intelligence et alors commença un calvaire qui ne s'acheva qu'avec sa mort.

En octobre 1946, prenant conscience de la gravité de son état il demanda lui-même au Pape par l'intermédiaire de Mgr de Llobet, Archevêque d'Avignon, son métropolitain, se rendant à Rome, un coadjuteur pour le suppléer dans une charge désormais trop lourde pour lui. Ce ne fut que plus d'un an après, le 20 décembre 1947, que fut nommé officiellement Mgr Jean Duperray. Désormais on eut « un évêque en deux personnes ». Cette présence si délicate et si attentive soulagea les derniers jours de Mgr Brunhes. Son état se maintenait stationnaire lorsque brusquement un accès de grippe provoqua une aggravation. Après plusieurs alertes et une légère amélioration la situation devint alarmante. Mgr Brunhes entra bientôt dans une lente et pénible agonie qui ne s'acheva que le jeudi 24 février à 15 heures. Celui qui avait été l'Evêque et le Père du diocèse pendant 17 années venait d'entrer dans l'éternité.

17 années d'épiscopat - 17 années d'enseignement

Les quelques pages qui vont suivre ont le désir de vouloir faire revivre dans ses grandes lignes, année par année, l'enseignement dispensé par Mgr Brunhes. A travers la présentation synthétique de ses lettres pastorales de Carême, à travers les extraits de quelques-uns de ses communiqués, nous osons espérer que le lecteur pourra retrouver l'âme de celui qui fut si longtemps leur Père et leur Docteur.

Année 1932.

20 MAI. — Annonce de l'élection de M. l'abbé Gabriel Brunhes, directeur et professeur de Théologie dogmatique au Grand Séminaire de Dijon à l'Evêché de Montpellier, succédant à Son Excellence Mgr Mignen promu Archevêque de Rennes :

« Tous demanderont à Dieu que sur l'Episcopat qui s'ouvre en la fin de l'octave de la Pentecôte et au milieu du mois de mai soient répandues, pendant de longues et fécondes années, les grâces de l'Esprit Saint et de la Bienheureuse Vierge Marie. » (Extrait de la lettre de Mgr Vernier, Vicaire capitulaire).

6 AOUT. — Première lettre pastorale à l'occasion de son, entrée dans le diocèse sur « L'Evêque » :

I/Evêque est le Père en Dieu des âmes à lui confiées. Il est le messager et le dispensateur de Vie. Il est chef parce qu'il a une mission à accomplir : faire régner la Vérité dans la Charité. Il est soutenu dans ses responsabilités par la grâce.de Dieu et l'Autorité du Siège Apostolique.

20 AOUT. — Sacre de Mgr Brunhes en la Cathédrale de Dijon par Son Excellence Mgr Petit de Julleville, évêque de Dijon, assisté de Mgr Delay, auxiliaire de Lyon et de Mgr Fillon, évêque de Langres.

30 AOUT. — Intronisation solennelle de Mgr Brunhes à Montpellier :

«... Dans la mesure où l'Eglise respecte vos libertés et vos divergences, l'Evêque les respectera, mais faites le sacrifice de tout ce qui vous empêcherait de participer à la charité du Christ, "à la conquête des âmes, afin de réaliser sur la terre chaque jour un peu moins mal le rêve de la Justice par la Charité.


« Concluons cette alliance mystique dont mon anneau que vous baisiez tout à l'heure est le symbole, ainsi nous marcherons vers la Patrie céleste qui sera l'aboutissement définitif de la Charité... »

15 NOVEMBRE. — Mgr Brunhes prêche à la Messe de rentrée des Facultés sur : « Le rôle de la Foi dans la vie de l'étudiant ».

Année 1933.

14 JANVIER. — Lettre de Mgr Brunhes sur l'Œuvre des .Vocations :

« ... Un double fait s'impose... aux réflexions de tous. D'une part les âmes ne peuvent pas se passer du prêtre. Et d'autre part les prêtres actuellement en exercice dans notre diocèse, sont en nombre insuffisant.

« Il faut prier... il faut collaborer avec Dieu en aidant à l'éclosion des germes divins "déposés dans l'âme des enfants... il faut aider matériellement le recrutement sacerdotal. »

14 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur « L'Indispensable renouveau spirituel » :

1° Leçon des événements. —• « Beaucoup d'hommes souffrent aujourd'hui, privés de ressources suffisantes et même du travail qui les leur procurerait... Sous la pression de la détresse qui les accable, individus et sociétés, doivent en venir à reconnaître que les remèdes humains et techniques ne suffiront pas à guérir le mal dont nous souffrons ; il faut faire appel aux vertus oubliées de justice et de charité qui sous leurs formes variées régissent les rapports entre individus et entre groupements humains. Et comme le règne de la jus¬tice ne saurait être pleinement assuré par les seules forces humaines, comme la charité a sa source en Dieu c'est bien d'un renouveau spirituel et même surnaturel qu'il s'agit... »

2° Les appels de l'Eglise. — XIXe Centenaire du Jubilé de la Rédemption ; 75e anniversaire des Apparitions de Lourdes ; IXe Congrès National du Recrutement Sacerdotal. « ... Si différents qu'ils paraissent à première vue, il n'est pas malaisé de découvrir à la réflexion que ces manifestations tendant toutes à ramener nos âmes à une meilleure intelligence des richesses surnaturelles... »

3° Le programme du renouveau nécessaire. — Il faut travailler à rendre notre religion plus intérieure. Il faut pénétrer de l'influence de la religion toutes les formes de notre activité. Il faut enfin travailler à progresser dans l'esprit catholique et apostolique.


Année 1934.

PREMIER MARS. — Mgr Brunhes prêche aux Hommes de Montpellier le Carême sur « Le Mystère de Jésus ».

2 FEVRIER. — Lettre pastorale de Carême sur « La Personnalité chrétienne » :

« ... Je viens vous entretenir de l'effort à réaliser pour rendre en chacun de vous la religion plus intérieure et personnelle — plus consciente des richesses divines dont elle doit bénéficier — plus intimement pénétrée de l'influence de Notre-Seigneur Jésus-Christ...

« ... Réalisons cette vie intérieure, plus personnelle, épanouissement de la vie divine en nous qui ne pourra manquer de devenir rayonnante et conquérante parce qu'elle sera, par Jésus-Christ, plus pleine de Dieu et que Dieu est Charité... »

Année 1935,

25 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur « L'Intégrité chrétienne : I. Penser chrétiennement » :

« ... Penser chrétiennement c'est estimer à son prix la vérité que Jésus est venu nous enseigner. Réduire la religion à des pratiques cultuelles, ou à des aspirations morales même élevées, ce serait ne rien comprendre à la mission de Notre-Seigneur.

« Penser chrétiennement, c'est développer sa culture religieuse toute sa vie

« Penser chrétiennement, c'est faire que cette culture embrasse en son | entier le message de Jésus transmis par son Eglise et n'en méconnaisse, en égard au temps où nous vivons et à la condition sociale de chacun, aucune donnée essentielle.

« Penser chrétiennement, c'est ne pas se contenter de méditer en eux-mêmes les mystères chrétiens pour en faire l'application à sa vie personnelle et intérieure. Il est encore indispensable d'en mesurer exactement la portée ou les répercussions sur toute la vie humaine dans ses divers aspects, familial, professionnel, économique, civique et international... »

Année 1936.

8 FEVRIER. — Mgr Brunhes précise que :

«  ... l'Action Catholique devant s'exercer au-dessus et en dehors des • partis, il est indispensable que toutes les œuvres qui s'y rattachent restent nettement distinctes de tous les groupements même très légitimes qui travaillent sur le plan politique... »


14 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur « L'Encyclique. Ad Catholici Sacerdotii fastigium et le Sacerdoce catholique » :

Mgr Brunhes commente l'Encyclique papale. Il étudie successivement : la mission divine du Sacerdoce ; la vertu et la science du prêtre et la formation du prêtre.

28 JUIN. — Mgr Brunhes lance un appel aux Travailleurs chrétiens :

«... Une organisation ouvrière non chrétienne cherche, présentement, à faire pression sur les travailleurs pour obtenir leur adhésion. Nous devons déclarer catégoriquement que ces adhésions extorquées, par la menace et même par la violence, ne sauraient créer aucun engagement véritable.

« Nous sommes obligés de dire que les travailleurs catholiques, ouvriers et employés, doivent réserver leur concours à des syndicats chrétiens et à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens qui crée un lien entre ces syndicats... »

13 DECEMBRE. — Mgr Brunhes précise dans un communiqué que

«... les dirigeants et les dirigeantes, les militants et les militantes d'Action Catholique ne seront pas en même temps directeurs, représentants et propagandistes d'un parti politique. Ces règles ne tendent pas à méconnaître l'utilité et la nécessité de l'action civique, mais seulement à sauvegarder l'indépendance de l'Eglise et de l'Action Catholique vis-à-vis des ligues et des . partis politiques quels qu'ils soient... »

Année 1937.

2 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur « L'Intégrité chrétienne : II. Vivre chrétiennement » :

« 1° Vivre chrétiennement c'est d'abord vivre honnêtement en développant au maximum sa valeur humaine. Si l'on veut refaire une société plus chrétienne ce qui suppose une société aux mœurs plus honnêtes, ce ne sont pas les combinaisons politiques, ce ne sont pas les coups de force, ce ne sont pas même les bonnes intentions et le groupement sur le seul plan de l'activité civique qui aboutiront à ces résultats ; il faut former des consciences droites et rien n'y contribuera davantage que l'exemple et l'influence des chrétiens vraiment dignes de ce nom.

« 2° Vivre chrétiennement c'est ensuite pénétrer le plus possible son vouloir et ses actions de la vertu qui est l'âme même du Christianisme, la Charité.

« Et parce que pour vivre honnêtement-et dans la pratique effective du grand précepte de l'amour, il faut mater l'égoïsme et les tendances désordonnées de la nature, vivre chrétiennement c'est accepter la loi du sacrifice.


Mais cette acceptation bien loin de nous diminuer tend à nous épanouir dans une vie supérieure marquée par la conquête progressive de la paix et même de la joie. »

Année 1938.

21 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur « L'Intégrité chrétienne : III. Prier chrétiennement » :

« 1° Il faut prier étant convaincu de l'impérieuse nécessité de la prière.

— La prière n'est pas pour le chrétien éclairé une simple formalité, comme une sorte de consigne de politesse à l'égard du Souverain Seigneur. Nous ne pouvons absolument pas nous en passer, car nous sommes tous ici-bas, en ce qui concerne .la vie de notre âme, dans le pressant danger qui inspirait aux disciples ballotés par la tempête sur la barque qui portait Jésus cet appel vibrant : Seigneur, sauvez-nous, nous sommes perdus.

2° Il faut prier étant convaincu que la première qualité de la prière est d'être intérieure. — Il semble que, pour réagir contre la vie fiévreuse et dispersée qui risquerait de se tourner, même chez les mieux intentionnés, en agitation stérile, ce recours au recueillement intérieur sous l'illumination et l'impulsion de l'Esprit soit plus que jamais indispensable aux chrétiens d'aujourd'hui.

3° Il faut prier étant convaincu que notre prière pourra être confiante dans la mesure où elle sera ordonnée. •— Le Pater, nous enseigne d'abord à observer dans nos demandes l'ordre voulu par Dieu... Notre prière sera encore légitimement confiante si docile aux suggestions du Pater, elle ne se confine pas dans des préoccupations étroitement égoïstes même dans l'ordre des biens spirituels et de notre salut.

4° H faut prier étant convaincu que notre prière doit être de tous les instants. .

16 AVRIL,. — Conférence de Mgr Brunues à la Radio sur « La dignité de la personne humaine d'après l'Evangile » :

SEPTEMBRE. — Lettre de Mgr Brunhes à l'occasion de la grève des Etablissements Fouga à Béziers. — A la suite de son intervention dans le conflit des Usines Fouga et ayant reçu des remerciements du Syndicat chrétien de la Métallurgie, Monseigneur répond au Président de ce syndicat.

Année 1939.

Ier JANVIER. — Appel pour organiser un secours alimentaire pour les petits enfants de Catalogne.


12 FEVRIER. — Eloge funèbre de S. S. le Pape Pie XL Partant de la parole de St Paul : Ce n'est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse, Mgr Brunhes l'applique à la vie du Pape défunt.

14 FEVRIER. — Lettre pastorale de Carême sur « L'Esprit Catholique » :

L'esprit catholique suppose comme éléments essentiels : 1° Une foi éclairée au mystère de l'Eglise ; 2° Le sens de l'Unité ; 3° L'estime et le désir d'une vie sainte ; 4° Le sens de l'universalité de la Foi et de la Vie chrétienne ; 5° Enfin un attachement réfléchi tout à la fois à la tradition et au progrès.

28 MARS. — Conférence de Mgr Brunhes à la Radio sur « Papauté et temps présent » :

Monseigneur termine :

« ... Parce, que les derniers Pontifes de Rome ont rempli leur mission en parfaite conformité avec l'esprit du Maître, les hommes du temps présent en ont compris et acclamé la souveraine grandeur. »

9 DECEMBRE. — Protestation contre le Bonhomme Noël :

«... Il y a là une contrefaçon de la réalité contre laquelle protestent également la foi chrétienne et même la simple honnêteté. Il est de notre devoir • de le rappeler. »

Année 1940.

26 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur « L'Esprit Chrétien et la guerre » :

«... C'est une tradition constante des pasteurs de l'Eglise d'apprécier à la lumière de la foi chrétienne les grands événements de l'histoire pour en tirer les leçons spirituelles que ceux-ci suggèrent ou même appellent impérieusement.

« 1° La pensée chrétienne en face de la guerre. — C'est parce qu'on a désobéi à Dieu, parce qu'on a violé ses préceptes de justice et d'amour mutuel que l'humanité subit la redoutable crise présente...

« Si les maux de la guerre sont le fruit des volontés perverses opposées à la loi de Dieu, notre foi chrétienne nous apprend que, pour les âmes de bonne volonté qui s'ouvrent à la lumière et à sa grâce, Dieu peut et veut faire servir les épreuves les plus terribles à l'obtention d'un plus grand bien spirituel...

« .2° La vie chrétienne en temps de guerre. — Nous convertir, c'est-à-dire


abjurer les erreurs et les fautes qui, par leur influence, toute proche ou plus lointaine, ont déclenché le fléau de la guerre.

« Ce renouveau chrétien doit être marqué par un progrès dans la charité, l'esprit de sacrifice et l'esprit d'apostolat dans l'Action Catholique.

« 3° La prière en temps de guerre. —• Notre prière doit être bien ordonnée, elle doit être catholique. »

18 JUIN. — lettre de Mgr Brunh.es au Clergé et aux fidèles :

«... L'heure est venue pour notre cher pays de la grande épreuve que tous nous ressentons avec une profonde amertume dans notre fierté de Français et de chrétiens, en présence du succès momentané de la force brutale et du matérialisme antichrétien... »

25 JUIN. — Lettre de Mgr Brunhes annonçant la signature de l'armistice :

« ... Notre premier devoir est de nous recueillir dans la prière pour demander à Dieu le courage et la force nécessaire pour porter avec la dignité qui convient à la fierté française notre deuil national... »

25 DECEMBRE. — Lettre de Mgr Brunhes à ses diocésains :

« ... Chaque chrétien, dépouillant tout esprit pharisaïque, se doit de reconnaître avec sincérité devant Dieu tous ses torts. Chacune de nos transgressions a ses répercussions — visibles ou cachées — mais réelles sur la santé morale du corps social... »

Année 1941.

14 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême : « Dans l'épreuve vers le renouveau avec le Christ » :

« ... Aujourd'hui dans l'épreuve si douloureuse de la France je me propose de chercher avec vous et pour vous la réponse que notre foi et notre vie chrétienne doivent donner aux questions que posent pour nos âmes, non pas seulement en théorie mais dans la réalité pratique qui nous étreint, les nécessités de notre vie nationale. »

10 AVRIL. — Mgr Brunhes signale quelques rappels opportuns :

« ... Affirmation catégorique que l'action religieuse qui doit contribuer au relèvement de la France se situe au-dessus et en dehors de l'action politique.

«... Rappel que les mouvements d'Action Catholique aussi bien que le ministère du prêtre sont placés en dehors et au-dessus de tous les partis et ' ne sauraient sans injustice être confondus avec aucun d'eux...  »


28 SEPTEMBRE. — Communiqué de Mgr Brunhes où il écrit notamment :

«... On nous sollicite d'appeler l'attention de nos fidèles sur l'immoralité des pratiques désignées sous le nom de « marché noir ». Nous ne l'avions pas fait jusqu'ici, nous refusant à croire que les Chrétiens puissent se livrer à un trafic qu'interdit la simple honnêteté naturelle.

« Il faut qu'on sache que priver son prochain des vivres destinés à tous par une réserve égoïste excessive c'est manquer à la charité et que vendre les produits à des prix démesurés c'est manquer à la justice. Les chrétiens doivent avoir à cœur de donner l'exemple de la charité et de la justice. Participer aux épreuves qu'imposent les restrictions générales sera un excellent moyen de se sanctifier et de faire pénitence pour le salut de,, la France et la juste paix du monde... »

7 OCTOBRE. — Extrait d'un communiqué de Mgr Brunhes : « ... Il est évident que seule une foi éclairée est capable d'inspirer une vie intégralement chrétienne. La piété elle-même doit être instruite. Il ne suffit pas, par exemple, d'assister à la messe si on ne sait pas ce que signifie la messe. C'est pourquoi nous avons le devoir de rappeler les prescriptions du Saint Siège dont se réclame l'article 508 de nos Statuts diocésains.

« En vertu de cet article, MM. les Curés, chapelains et aumôniers ont l'obligation d'assurer par eux-mêmes ou en se faisant aider, un prône court mais substantiel et soigneusement préparé, tous les dimanches et à toutes les messes à heure fixe, dans toutes les églises et chapelles ouvertes au public sans exception. »

4 NOVEMBRE. — A propos d'adhésions à des mouvements de jeunesse :

« ... Plusieurs s'imaginent de bonne-foi que la vie chrétienne se réduit à quelques actes extérieurs de religion comme l'assistance à la messe du dimanche et dès lors que cette participation au culte est assurée ils croient que la formation chrétienne est garantie... Mais rien n'est plus inexact, une œuvre éducative doit saisir la vie toute entière.... C'est pourquoi nous prescrivons à nouveau à nos diocésains comme ligne de conduite que les catholiques entrent dans les mouvements catholiques...  »

1

Année 1942.

14 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur « Les consignes de l'heure : Croire, espérer, aimer » :

1° Croire. — Le fléau de la guerre la cause n'en est pas à l'inefficacité prétendue du christianisme, mais au contraire à l'oubli et au reniement de ses principes.


2° Espérer. — Nécessité et bienfait de cette maîtrise de l'âme en face des événements qui nous arrache aux espoirs trop faciles, ainsi qu'à l'attente vaine d'interventions purement extérieures et qui nous fait comprendre que le salut nous viendra surtout « du dedans ».

3° Aimer. — Le souci de venir en aide le plus largement possible à la misère de ceux de nos frères qui souffrent dans leurs corps (...) ne doit pas nous faire oublier la charité qui s'adresse aux âmes et c'est précisément l'objet de l'Action Catholique sous toutes ses formes c'est-à-dire de l'apostolat organisé des laïques.

31 OCTOBRE. — Création d'un enseignement supérieur de religion :

«... La nécessité d'accroître les connaissances religieuses s'impose de plus en plus en ce qui concerne non seulement les enfants et membres de mouvements de jeunesse, mais aussi encore les fidèles adultes... »

1re série de 5 conférences : Ce qu'est l'Eglise, par {le R. P. Perrin, O.P.

2e série de 5 conférences : |La doctrine de l'Eglise sur le Mariage, par M. Houfflain, CM.

3e série de 5 conférences : L'Eglise et le monde contemporain, par le R. P. Bonsirven, S.J.

Année 1943.

24 FEVRIER. — lettre, pastorale de Carême sur « Le Mariage chrétien ». — Mgr Brunhes rappelle :

1° Les prescriptions essentielles de la loi chrétienne du mariage. —• Unité, indissolubilité, respect de la vie que les époux sont destinés à transmettre, responsabilité de l'éducation des enfants, élévation mutuelle des deux époux en s'entraidant moralement et.matériellement tout le long de la vie conjugale.

2° La place du mariage dans le plan divin. — « ... Quiconque consent

. à accueillir les lumières de la foi et à se hausser, par delà les désirs égoïstes

des sens et les vues bornées d'une sagesse terre à terre, jusqu'à l'intelligence

du plan divin, comprend aussi les exigences que nous avons d'abord rappelées :

unité, indissolubilité, respect de la vie. »

3° Les ressources divines qui sanctifient le mariage. — « ... Ce sont les époux eux-mêmes qui, en échangeant leur consentement devant le prêtre représentant de l'Eglise, sont les ministres de ce sacrement. Quelle n'est donc pas leur dignité aux yeux de Dieu et de l'Eglise. Ils ne sont pas seuls à prendre l'engagement irrévocable. Le Christ le prend avec eux et par eux. Dans sa largesse inépuisable II promet son secours, non seulement pour l'heure présente, mais pour tous les jours de leur vie, et pour les plus difficiles, en vue des lourds devoirs, des inévitables épreuves et des ascensions spirituelles... >>

| 7 NOVEMBRE. — Deuxième année vde l'enseignement supérieur de la religion.

ire série de 5 conférences : St Paul, par M. Bonjean, CM.

2e série de 5 conférences : La Doctrine sociale de l'Eglise, par le R. P. Le Gail, S.J.

3e série de 5 conférences : La Création et le gouvernement divin, par le R. P. Boulogne, O.P.

Année 1944.

Ier JANVIER. — Lettre de Mgr Brunhes à l'occasion du nouvel an :

« ... Le Saint Père demande (...) aux chrétiens de s'examiner avec sincérité, de se rendre compte de la mesure où leur vie chrétienne de nom mais insuffisamment fidèle aux exigences de leur foi et pénétrée d'influences païennes et matérialistes a pu, en raison de l'oubli de Dieu et de l'Evangile, contribuer, pour sa part, à propager le cataclysme actuel. Avec le Vicaire de Jésus-Christ et pour la portion de l'Eglise qui m'est confiée je formule le même vœu... »

14 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur « L'Education familiale » :

1° ÏI n'est malheureusement pas superflu d'établir les irrécusables responsabilités des parents dans l'éducation de leurs enfants. — « ... Il n'est pas étonnant, qu'emporté par le courant général de la facilité on recule devant les tâches austères de l'éducation... N'oubliez jamais ceci, s'écriait Pie XI s'adressant aux parents, de la responsabilité qui, par la volonté de Dieu, vous lie vis-à-vis de vos enfants nulle puissance terrestre n'a le pouvoir de vous délier... »

2° L'éducation familiale demande le bienfait d'un foyer vraiment éducateur.

3° Nécessité de souligner quelques-uns des principaux articles d'un programme chrétien d'éducation familiale. »... Tout d'abord il ne saurait y avoir de vrai chrétien en celui qui n'est pas premièrement un parfait honnête homme. Il est indispensable de prémunir l'enfance et la jeunesse contre tout ce qui porterait atteinte à son intégrité en ce qui concerne la pureté morale. Il faut courageusement accoutumer l'enfant à l'effort, à la ' discipline volontaire du sacrifice. Il faut former le chrétien. ; le baptiser sans tarder ; assurer la formation religieuse. Il faut apprendre l'enfant à obéir. »

23 NOVEMBRE. — Troisième année d'enseignement supérieur de la religion.

ire série de 5 conférences : A propos de l'Unité chrétienne :

Rome et Cantorbéry,

par le R. P. Bivort de la Saudée, S.J. 2e série de 5 conférences : L'Espérance messianique en Israël,

par le chanoine Mailhé, CM. 3e série de 5 conférences : Jésus-Christ,

par le R. P. Aloys, O.M.C.

Année 1945.

Ier JANVIER. — lettre de Mgr Brunhes à l'occasion du nouvel an :

« ... Au delà de la Libération glorieuse du territoire (...) il faut souhaiter la complète libération des âmes par rapport à toutes les passions mauvaises qui s'opposent à l'entente. Dans ce domaine nos ennemis sont : l'égoïsme,» l'amour dominant du plaisir, l'oubli du respect dû à la vie humaine et à la liberté des personnes, l'esprit de vengeance, de violence et de délation, passions qui sont d'autant plus odieuses si elles se dissimulent sous des formes de liberté et d'union... »

2 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur : « Principes chrétiens et question sociale » :

1° Les principes inspirateurs de la morale» sociale selon les enseignements de l'Eglise. — Respect de la personne humaine et de sa destinée spirituelle. La charité dans son acceptation chrétienne ne saurait remplacer la justice, elle viendra la compléter. ■—■ Le progrès social est nécessairement conditionné par la réforme des mœurs.

2° Quelques-unes des applications de ces principes à des questions plus actuelles : La propriété — Le salaire — Les syndicats — L'intervention de l'Etat.

3° Les directions qui s'imposent à l'Action Sociale Catholique. — Nécessité de distinguer les doctrines et les personnes. — Danger du communisme. — Distinction entre socialisme-foi et socialisme-technique. ■— Nécessité pour les fidèles, parti intégrante de l'Eglise, d'incarner l'esprit chrétien et l'idéal évangélique dans les institutions temporelles.

Année 1946.

14 FEVRIER. — Lettre pastorale sur « Le devoir civique » :

1° L'Eglise enseigne et garantit l'autorité de l'Etat dans le domaine du Bien commun temporel. — « ... Il ne peut y avoir de vie humaine sans société et pas de société sans autorité chargée d'assurer le bien commun ; d'où il résulte selon les expressions de Léon XIII que l'autorité de ceux qui gouvernent dérive du pouvoir même de Dieu puisque c'est Dieu qui a créé

l'homme social et voulu ce qui rend la société viable c'est-à-dire l'autorité... » 2° Limites imposées au pouvoir de l'Etat par la primauté du spirituel et la liberté des âmes. — «... Le catholique appartient à la fois à deux sociétés, la société civile et la société spirituelle qu'est l'Eglise. Si celle-ci lui fait' un devoir de conscience d'obéir aux lois de l'Etat inspirées par la poursuite du bien commun de la nation, elle revendique sa propre autorité dans l'ordre spirituel. Divinement instituée et mandatée par le Christ elle ne tient de l'Etat ni son existence, ni les pouvoirs qui lui ont été conférés pour éclairer et sanctifier les âmes au cours de la carrière terrestre qui les conduit à l'éternité...  »

3° Les devoirs des chrétiens dans la Cité. — « ... Les chrétiens doivent aimer leur patrie et lui sacrifier au besoin la vie elle-même. Ils sont libres pour concevoir différemment les techniques qui doivent régir les activités d'ordre civique mais ne jamais recourir dans leurs légitimes divergences au mensonge, à la calomnie, à la corruption, à la pression illégitime sur les consciences mais tous doivent concourir au bien commun... »

« ... Ils doivent se rappeler que le souci de s'intéresser effectivement, dans l'état actuel de nos institutions est un véritable et grave devoir fondé d'abord sur la vertu de justice, soit vis-à-vis de la famille et de tous ceux dont on a la charge pour leur assurer un bon état social, soit vis-à-vis de la communauté civile à laquelle on-appartient... »

13 MARS. — Mgr Brunhes reçoit le Pallium :

« ... Le Très Saint Père Pie XII, Pape par la Divine Providence, voulant donner une marque de sa particulière bienveillance à l'Excellentissime Seigneur Gabriel Brunhes, évêque de Montpellier, éminent par sa compétence doctrinale et sa sollicitude pastorale, a jugé opportun de Lui concéder le Pallium par privilège et à titre personnel...  »

Année 1947.

11 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur «La Sainteté catholique » :

1° Ce que n'est pas la sainteté. —■ Elle ne consiste pas dans l'éclat et l'étendue des œuvres extérieures. Elle n'est pas liée nécessairement à tel état de vie, à aucune condition sociale. Les grâces constituent essentiellement la sainteté. Elle ne consiste pas dans les faits extraordinaires, miraculeux, merveilleux qui souvent l'accompagnent, ni dans les révélations privées.

2° Qu'est-ce que la sainteté ? — Ce sont les vertus chrétiennes, et la sainteté éminente, ce sont les vertus chrétiennes pratiquées d'une manière héroïque.

En face de ces vertus morales (prudence, justice, force, tempérance), disons tout de suite que la perfection, que la sainteté exige qu'on les possède toutes sans exception, il y a des vertus théologales (Foi, Espérance, Charité),

Le saint ne tend pas seulement à réaliser en perfection l'idéal humain de la nature humaine. Par delà cette vocation d'homme parfait il a une vocation de fils adoptif de Dieu...

' ... La grâce n'est pas seulement une force qui vient perfectionner l'exercice des vertus humaines pour remédier à nos faiblesses, c'est une déification de notre âme.

... Pour qu'il y ait sainteté il faut que ces vertus soient pratiquées d'une

façon héroïque (actes dont la matière est .difficile, accomplis promptement,

sans hésitation, avec joie et entrain, d'une façon ordinairement persévérante).

Quelques traits qui marquent du dehors la sainteté : Chasteté, humilité,

pauvreté, charité.

3° Lois et conditions de la Sainteté. — La sainteté chrétienne a pour loi un progrès sans limite : jusqu'à la mort monter vers les sommets et d'une marche héroïque... Le travail de renouveau ne peut s'opérer que par la Croix.

20 DECEMBRE. — Mgr Brunhes, sur sa demande, reçoit du Saint. Siège un évêque-coadjuteur en la personne de Mgr Jean Duperray-

Année 1948.

1er JANVIER. — Mgr Brunhes annonce au Diocèse la nomination de Mgr Duperray comme évêque-coadjuteur :

«... Déjà votre Evêque lui a ouvert tout grand son cœur. Il réserve à son frère dans l'épiscopat toute son estime et toute son affection... »

29 JANVIER. — Lettre pastorale de Carême sur « La Sainteté catholique.' II. Les sources de la sainteté » :

1° La vie des saints est une vie en présence de Dieu. — « ... La piété, cette aspiration profonde de l'âme qui tend vers Dieu, qui s'élève vers Dieu. ' qui tend à pénétrer toutes les actions, n'est pas parquée, remise à certaines heures de la journée, à certains moments, elle se répand sur toute la vie, elle l'inspire toute entière et affleure à la conscience claire presque perpétuellement quand les saints sont en possession de leur sainteté...

« ... Les saints voient très facilement Dieu en toutes choses ; .. ; Les saints voient aussi le Créateur dans les événements ; ... les saints voient Dieu dans le prochain ; ... les saints s'ils arrivent à trouver Dieu dans tout ce qui les entourent, ils le trouvent en eux-mêmes ; Dieu est l'hôte de leur âme et c'est en ce sens que leur vie devient une présence continuelle, non pas une prière formulée par des pensées bien définies, par des sons articulés, mais comme un contact recherché, sinon toujours senti, avec Dieu présent...

«... De- cette plénitude intérieure que les saints éprouvent par la présence de Dieu recherchée et dans une large mesure ressentie, résulte leur pouvoir de rayonnement, leur influence, leur force...

2° La vie des saints a été inspirée par un amour passionné de Notre-Seigneur... — « ... Pour les saints Jésus n'est pas simplement un souvenir historique, quelqu'un dont on aurait lu l'histoire dans l'Evangile ; Jésus n'est pas seulement un thème théologique, une seule personne en deux natures, il est quelqu'un de vivant, il est un contemporain présent, à demi-volée sans doute mais d'un voile qui à chaque instant va, pour ainsi dire, en s'amincissant et permet de saisir l'approche et comme la touche dé l'ami présent.

« ... Ces âmes avides de perfection ont faim et soif de la justice, elles s'attachent d'abord à Jésus comme Maître, parce que personne n'a parlé comme Lui... Toutes les consignes de charité de l'Evangile sont pour les saints la loi et les prophètes, ils en vivent... Ces âmes avides de perfection s'attachent à Jésus comme à leur modèle, parce qu'il offre le spectacle idéal de la beauté morale parfaite et héroïque réalisée dans une vie d'homme... Jésus n'est pas seulement pour eux le maître rempli d'autorité, il n'est pas seulement pour eux le modèle de toute perfection, le Cœur du Christ, son Cœur humain leur révèle l'amour de Dieu qui leur a donné un tel frère, qui leur a donné son Fils, le Fils éternel du Pèle...

« ... Je comprends dès lors que les saints ramènent tout à l'amour du Christ. St Jean nous dira qu'il est le commencement et la fin. La vie spirituelle est une chose très simple, il suffit d'aimer Notre-Seigneur et de se laisser prendre à fond par cet amour, le développer dans son âme... »

Année 1949.

11 FEVRIER. — Lettre Pastorale de Carême sur « La Sainteté catholique. III. L'Eglise éducatrice et arbitre de la sainteté » :

1° L'Eglise éducatrice de Sainteté. — a) Par son message : C'est l'Eglise qui, héritière de l'Evangile et interprète autorisée de l'Evangile, puisqu'elle possède l'Esprit qui a inspiré l'Evangile et qu'elle peut interpréter avec sécurité, c'est l'Eglise qui nous enseigne que la sainteté consiste non pas dans les miracles, les visions, les extases, mais dans les dispositions vertueuses de l'âme, dans la pratique de toutes les vertus et en particulier des vertus théologales : la Foi, l'Espérance et la Charité, le tout gouverné de très haut et très fortement par la charité, la maîtresse et la reine de toutes les vertus...

« ... Je voudrais insister sur un point. Si le programme matériel — si l'on peut dire ainsi -y- de la sainteté n'est en somme que l'Evangile commenté" selon le besoin des diverses générations humaines, l'Eglise a un soin particulier d'insister pour former ses saints sur l'héroïsme, l'héroïsme qu'elle enseigne comme la chose du monde la plus simple et la plus naturelle... Il n'y a pas que le martyre qui nous mette en face de l'héroïsme. Songez par exemple à l'encyclique de Pie XI sur le Mariage ; songez aux principes qu'elle pose d'une façon impérieuse en face du monde moderne : indissolubilité, devoir de respecter entièrement les lois du mariage...

b) Par ses préceptes  : l'Eglise maintient par ses exemples — encore qu'aujourd'hui elle se montre accommodante dans les dispenses — à l'horizon de la pensée chrétienne l'idée de la mortification, l'idée de la pénitence nécessaire, l'idée que tout n'est pas permis, qu'il faut se priver en tempérant ses exigences. Pour la masse des chrétiens... s'ils veulent être des saints ils trouvent dans ces pratiques que l'Eglise impose à tous un rappel perpétuel des lois qui gouvernent la vie chrétienne. Il faut être maître de ses instincts afin de prêter à la grâce divine une âme maîtresse d'elle-même et bien disposée...

... D'Eglise rend facile la sainteté par la direction. Il est extrêmement intéressant de constater que se sont généralement les âmes qui paraîtraient à première vue s'en passer plus facilement qui y tiennent le plus.

... D'Eglise est maîtresse de sainteté par les institutions qu'elle approuve. Toutes ces institutions ne sont que des moyens : vœux, célibat ecclésiastique... Il n'y a pas deux conceptions de la vie chrétienne, une pour les laïques et une pour les prêtres, une pour les fidèles, l'autre pour les religieux. C'est la vie dans l'amour de Dieu et du prochain, pour tous la perfection est là...

2° L'Eglise est arbitre de sainteté. — Puisque nous avons compris, je l'espère, que l'Eglise c'est le Christ continué, que c'est le royaume de Dieu sur terre et que par l'Eglise visible nous éteignons vraiment les réalités spirituelles Dieu et le Christ et en Dieu, les saints et les anges, nous comprenons cette audace avec laquelle l'Eglise ne permet pas qu'il y ait de séparation "même par la mort entre ses enfants. D'idée de la communion des saints nous est familière : c'est un échange spirituel entre le ciel, la terre et le purgatoire. D'Eglise pousse son audace plus loin. ... Elle a la prétention de rejoindre dans leur demeure céleste tel ou tel de ses serviteurs et ayant jugé avec la lumière de Dieu, leur vie, leurs actes, leurs vertus héroïques, de nous dire avec certitude qu'ils sont au ciel... C'est jusque là que va sa certitude de disposer de Dieu...

LA SAINTETÉ CATHOLIQUE. IV, — JUSTIFICATION RATIONNELLE DE NOTRE FOi

Nous donnons à nos lecteurs une synthèse de cette quatrième | partie de ce « Traité de la Sainteté », dont les trois premières ont fait l'objet des lettres pastorales de Carême des années 1947, 1948 et 1949.

1° En quoi la sainteté est un signe divin. — « ... Da sainteté, et surtout à son degré héroïque, manifeste Dieu dans sa force. Car les limites des forces de la nature au point de vue moral ne sont pas toujours très aisées à tracer, surtout quand il s'agira» d'un acte isolé dans le domaine de la moralité humaine, par exemple : courage civique, militaire. Mais s'il s'agit d'un héroïsme continu, s'il s'agit comme nous l'avons dit dans notre première lettre pastorale de toutes les vertus à la fois sans exception, s'il s'agit de toutes ces vertus pratiquées avec aisance, facilité, élan — au moins élan de la volonté malgré les résistances de la sensibilité — il est clair que de l'aveu de toutes les consciences droites, cela dépasse les forces ordinaires de l'homme... A cette première indication de force... vient s'en joindre une autre à savoir qu'aucune de ces âmes chez qui nous saisissons une force surhumaine ne s'attribue cette force à elle-même...

« De saint témoigne de la présence de Dieu parce qu'il est plus que les autres une image de Dieu... Dieu est esprit... plus le saint sera détaché de lui-même et humble, plus il sera pur et dégagé des attaches de la chair et plus il deviendra à ses propres yeux et aux yeux des autres esprits, image de Dieu... En même temps que Dieu est esprit il est charité... C'est ainsi que la vie des saints par la charité immense qui s'y développe et s'y manifeste révèle Dieu.

« Et j'ajoute, pour terminer cette analyse de cette révélation de Dieu qu'est l'héroïsme des saints, que le miracle moral de cette sainteté est souvent accompagné. —■ je ne dis pas toujours — de signes divins complémentaires que sont le miracle intellectuel... ou physique... cependant ces faits extraordinaires ne constituent pas la sainteté, tandis que l'héroïsme, le constitue...

«... Notre-Seigneur a refusé les signes dans le ciel que lui demandaient les pharisiens, il n'a fait que des miracles de bonté. Les miracles des saints revêtent le même caractère, c'est toujours dans le sens d'un profit, pour les misères corporelles à soulager ou les misères morales à guérir que ces miracles se sont orientés...  »

2° Comment la sainteté, signe divin, vient authentiquer la mission divine . de l'Eglise et la divinité de son Fondateur. — « ... Le fait de la sainteté même héroïque, produite sans cesse à l'état chronique par l'Eglise, est en connexion avec l'Eglise Catholique... ce fait est un fait unique dans l'histoire...

« ... Le protestantisme peut avoir gardé et a gardé de hautes vertus, mais de son propre aveu, il n'a point de saint. Il a renoncé à en avoir en renonçant au culte des saints considéré comme une idolâtrie, superstition, alors qu'au contraire ce n'est que l'épanouissement du culte même du Christ puisque les saints sont les membres d'élite du corps mystique du Christ...

« ... Mais il y a des églises séparées qui ont gardé le culte des saints. D'Eglise russe, elle seule d'ailleurs parmi les églises orthodoxes, canonise encore des saints. C'est un héritage catholique. Mais il faut reconnaître que le contrôle est beaucoup moins sévère et que d'ailleurs les saints modernes et contemporains sont en nombre beaucoup plus réduit...

«... Mais l'Eglise catholique, quand nous cherchons quel est le mystère central qui inspire sa Foi, nous tourne... vers son Maître et son Fondateur, le Verbe Incarné, Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est pourquoi nous avons aussi le droit de chercher dans la sainteté catholique une preuve en faveur de notre croyance fondamentale à la divinité de Jésus...

«... Nous voyons que le principe inspirateur de l'héroïsme des saints, quelle que soit la forme de leur vie, de leur condition, c'est l'amour passionné de Jésus-Christ, conçu tout à la fois comme leur frère en humanité, comme le grand prêtre capable de compatir à toutes les misères humaines parce qu'il a voulu souffrir et en même temps comme le Dieu Sauveur qui a saisi cette chair et cette humanité pour la sauver par le sacrifice que sa divinité sanctifiait et auquel il donnait un mérite infini...

« ... Le Père de Grandmaison a appelé cette preuve de la divinité de Jésus : le témoignage de l'Esprit. Cette preuve peut revêtir, si nous voulions l'analyser, un double aspect. C'est d'abord une preuve qui a une portée négative. Car enfin il serait absurde de supposer, de penser, un instant que l'idolâtrie la plus monstrueuse, si le dogme n'était pas vrai, enfanterait les plus sublimes vertus. Et une preuve positive aussi, car cette liaison entre la foi à la divinité de Jésus-Christ et l'héroïsme des saints c'est la source qui jaillit en eux et dans laquelle ils puisent l'énergie sans cesse renouvelée de leur élan vers Dieu...

«... Et je voudrais terminer en vous rappelant ces pensées de St Paul qui nous livrent la formule même de la sainteté : C'est quand je suis faible que je suis fort. C'est alors que je reconnais ma faiblesse et que je fais appel en toute sincérité et générosité à la force d'En-Haut.

« Et ce mot du Christ à St Paul : Ma grâce te suffit. »

Lettre de son Excellence Monseigneur Duperray

AU CLERGÉ DU DIOCÈSE A L'OCCASION DE LA MORT DE SON EXC. MGR BRUNHES

Mes chers Confrères,

Jeudi vers 15 heures, à l'heure où le Christ achevait sa Passion, Monseigneur Brunhes achevait une agonie qui durait depuis une semaine.

Le diocèse est une grande famille. Vous avez bien droit, vous ses fils privilégiés, à connaître les derniers moments du Père qui nous a quittés après seize ans au service de ce grand diocèse.

Vendredi 18 lévrier, à mon retour de la récollection de Murviel-les Béziers, je trouvais Monseigneur avec une forte poussée de fièvre (quarante degrés plus quatre dixièmes) attribuée à un accès de grippe. Les docteurs, si dévoués, qui le soignaient, craignaient que son cœur eut de la peine à résister longtemps à un tel assaut.

Le samedi dans la soirée cette forte température-se maintenait. J'étais au Congrès de Bédarieux. On crut bon de m'alerter car on prévoyait une-issue fatale pour la nuit. Monsieur le Vicaire Général Rouquette donna à Monseigneur l'Extrême-Onction vers dix-huit heures. La nuit fut très pénible avec une accalmie sur le matin. Je donnais à Monseigneur le viatique, avant de repartir pour Bédarieux.

Au retour le dimanche soir, la fièvre se maintenait toujours au delà de quarante, mais vers la fin de la nuit notre malade parut commencer à se reposer un peu.

Cette amélioration se poursuivit dans la journée de lundi. L'on put croire un instant que son organisme avait fait face à cette lutte extrême et allait prendre le dessus. Mais lundi soir la fièvre reprenait et cette fois-ci l'organisme semblait fléchir devant ce nouvel assaut.

Le souci de l'entourage de Monseigneur fut, dès lors, de l'aider à réaliser avec le plus de conscience possible, avec le plus de foi et d'amour ce grand passage de la vie à l'éternité.

A la veillée du lundi Monseigneur reçut une dernière fois la communion sous la forme d'une petite parcelle d'hostie, car bientôt il ne pourra plus rien avaler.

Dans cette lutte dernière, comme on sent que le corps était fait pour l'immortalité et que ce n'est pas sans une grande violence que l'âme le quitte !

A chaque nouvelle alerte, la Maison Episcopale se réunissait pour réciter les belles prières des agonisants. C'est l'émouvant appel au secours de la litanie des saints. C'est l'Evangile de St Jean qui, avec le prologue, nous reporte à l'origine du monde et qui avec les entretiens après la Cène, tout humides des larmes des apôtres, et avec la Passion nous fait assister à l'agonie même du Christ. Ce sont les oraisons si émouvantes « Deus qui proprium et miserere semper et parcere — Respice famulum tuum in infirmitate sui corporis laborantem ».

C'est enfin la grande objurgation : « Proficiscero, anima christiana de hoc mundo... Commendo te omnipotenti Deo, carissime frater et ei cujus es creatura committo... ». Déjà le cortège d'accueil se prépare : « Subvenite sancti Dei, occurite angeli Domini suscipientes animam ejus. Offerentes eam in conspectu Altissimi. »

Dans ce vestibule de l'au-delà, que se passait-il dans l'âme de Monseigneur ? Sa belle intelligence depuis des mois déjà était obscurcie par une pénible épreuve de santé dont il disait un jour : « Le Bon Dieu m'a éprouvé par le point qui m'est le plus sensible, moi qui aimais tant parler juste... «.

Il ne parlait plus guère. De temps en temps son regard s'éclairait et dans cet éclair passait une lueur de sa belle âme. Mais son cerveau, mal irrigué depuis son attaque, ne pouvait soutenir cet effort d'intelligence et il retombait dans son assoupissement.

Tout de même lorsqu'on priait autour de sa couche, son agonie s'apaisait, rythmée seulement par sa respiration de plus en plus courte. La récitation du chapelet en particulier semblait adoucir sa souffrance et au bout d'un moment ses lèvres doucement remuaient, comme pour répondre aux Ave.

De mercredi 23 février, je célébrai la messe dans sa chambre : c'était la fête d'un Docteur de l'Eglise. Da victime en état d'immolation était toute proche de l'autel. Comme les paroles de notre liturgie sont lourdes de sens en de pareilles circonstances !

« In medio ecclesiae, disait l'Introit, aperuit os ejus et implevit eum Dominus spiritu sapientiae et intellectus » : c'était l'évocation de toute la carrière intellectuelle de Monseigneur, professeur au Grand Séminaire de Saint-Flour, de Dijon, aumônier national des Etudiantes, enfin Evêque de Montpellier. « Praedica verbum, insta opportune, importune », disait saint Paul dans l'épître : c'était son insistance bien personnelle sur l'instruction religieuse, cet enseignement dans lequel il excellait et que nous entendrons encore dans sa Lettre pastorale, entièrement tirée de ses notes sur l'Eglise.

« Ego enim jam delibor et tempus resolutionis instat. Bonum certamen certavi, cursum consummavi fidem servavi », comme c'était vrai !

A l'Evangile, je pensais à son élévation subite à l'épiscopat, qui n'avait surpris que lui-même. « Vos estis lux mundi... non ponnunt lucernam sub modio sed super candelabrum ut luceat omnibus qui in domo sunt ». La formule de la communion résumait bien sa vie dans sa fécondité et dans son humilité : « Fidelis servus et prudens quem constituit Dominus super familiam suam ».

Le lendemain, après une nuit tragique où l'on crut vraiment la fin arrivée, je disais de nouveau la messe dans sa chambre, la dernière messe à laquelle il devait assister. J'avais reçu la veille des lettres me rappelant l'anniversaire de mon sacre, en particulier un mot aimable de toutes les classes du Petit Séminaire de Montbrison avec les signatures de chaque élève et chaque maître, qui faisaient lever devant mes yeux leur visage ami. Je remerciais le Bon Dieu de m'avoir accordé une année au contact de cette âme d'évêque. Dans ce ministère « d'un évêque en deux personnes » nos âmes s'étaient profondément liées pour' l'éternité ; mon intelligence s'était allumée à la sienne ; mon cœur s'était réchauffé au contact de son âme apostolique. La continuité la plus étroite dans la direction de ce grand diocèse s'était établie sans secousse. N'est-ce pas avec lui, que dans une heure de grande lucidité, au lendemain de son opération en septembre à Dijon, fut établi tout, le programme de notre année diocésaine, qui se déroule avec tant de succès !

Le jeudi matin vers dix heures arrivèrent de la Castille, près de Toulon — où se tenait une réunion épiscopale — des évêques de la Région d'Avignon,. Aix et Marseille, Leurs Excellences Monseigneur Pic de Valence, Couderc de Viviers, Girbeau de Nîmes. Dans son coma, Monseigneur eut comme un sursaut de perception claire. Cette visite toute fraternelle apportait la dernière bénédiction de l'Eglise à ce grand serviteur.

Il nous reste à suivre ces traces plus unis que jamais au service du diocèse.

Les grandioses obsèques

A la mort de l'annonce de Mgr Brunhes le Saint-Siège s'était . associé au deuil du diocèse par le télégramme suivant :

A Son Excellence Mgr Duperray, Evèque de Montpellier. Cité du Vatican. — Sa Sainteté apprenant avec peine décès Monseigneur Brunhes implore repos éternel regretté pasteur envoie Votre Excellence Diocèse réconfort Bénédiction Apostolique.

Montini, Substitut.

Dans la soirée du--jeudi 24 février la radio annonçait à la ville de Montpellier la mort de leur évêque vénéré. Le lendemain la presse locale lui consacrait une importante notice biographique. A cette nouvelle la foule se pressa nombreuse, dès l'exposition du corps dans la chapelle de l'Evêché, pour venir saluer une dernière fois sa dépouille mortelle. Durant ces trois jours plus de 20.000 personnes de toutes conditions et de toutes classes défilèrent. Beaucoup même s'approchaient pour baiser une dernière fois son anneau pastoral dans un ultime témoignage d'affection filiale.

Le transport du corps à la Cathédrale le dimanche soir fut l'occasion de la part des catholiques de la ville épiscopale d'une nouvelle preuve de leur fidélité à leur évêqué et nombreux participèrent aux vêpres des morts qui furent récitées à l'issue du transfert.

Tous ces gestes laissaient prévoir que le jour des obsèques serait un triomphe. Il le- fut. Bien avant l'heure le lundi 28 février les délégations venues de tous les points du diocèse se dirigeaient vers la Basilique-Cathédrale.

Tandis que la nef se remplissait, le chœur pourtant très vaste était entièrement occupé par le clergé du diocèse et les représentants des divers ordres religieux.

A droite du catafalque, au premier rang de l'assistance, se tenait Monseigneur Duperray entouré de la Maison Episcopale et la nombreuse parenté du défunt.

A gauche du catafalque, on notait la présence de M. Paul Coste-Floret, ministre de la France d'Outre-Mer ; de M. Lecomte, préfet de l'Hérault ; de M. Belaman, secrétaire général de la Préfecture ; de M. Jean Bène, sénateur, président du Conseil Général ; de M. Boulet, député-maire ; de M. Badie, député de l'Hérault et de M. ' Alfred Coste-Floret, député de la Haute-Garonne ; de M. le Général Coué, commandant la Subdivision ; de M. Guillon, recteur de l'Université ; de M. Mallet, président de la Chambre de Commerce ; de M. Gaussorgues, premier président de la Cour d'Appel ; de M. Hugues, procureur général ; de M. Vidal, président de la Chambre de Commerce ; de M. le Pasteur, président du Consistoire ; de M. Uzice, président de la Cultuelle israélite ; de M. Colen, consul de Belgique ; de M. Cotsaftis, consul de Grèce ; de M. Hugol, président de l'U.F. .C. ; etc., etc..

A 10 heures le cortège des Evêques .partait de l'Evêché. Quelques instants après il pénétrait dans la cathédrale. On remarquait la présence de M. Pressoir, représentant de M. le Supérieur général de St-Sulpice ; de M. le Vicaire général de Dijon représentant Mgr Sembel, évêque de Dijon ; des représentants du Rme Père Abbé d'En-Calcat ; du Rme Père Abbé de St-Michel de Cuxac ; de Mgr Puech, évêque auxiliaire d'Albi ; de Mgr Dubois, évêque de Rodez ; de Mgr Rousseau, évêque de Mende ; de Mgr Pinson, évêque de Saint-Flour ; de Mgr Jacquin, évêque de Moulins ; de Mgr Maisonobe, évêque de Belley ; de Mgr Bernard, évêque de Perpignan ; de Mgr Pays, évêque de Carcassonne ; de Mgr Girbeau, évêque de Nômes ; de Mgr Delay, archevêque de Marseille ; de Mgr Moussaron, arche¬vêque d'Albi ; de Mgr de Llobet, archevêque d'Avignon et métropolitain de Montpellier ; de Son Eminence le Cardinal Gerlier, arche¬vêque de Lyon. Son Eminence le Cardinal Saliège, archevêque de Toulouse, arriva au cours de la cérémonie.

Parmi les personnalités accompagnant Nos Seigneurs les Evêques se trouvaient : Mgr Gardette, recteur des Facultés Catholiques de Lyon ; Mgr de Solages, recteur de l'Institut Catholique de Toulouse et Mgr de la Serre, aumônier national de la Fédération française des Etudiants Catholiques dont le XXVe Congrès se déroulait en ce moment-là à Montpellier.

Après que Son Eminence le Cardinal Gerlier eût pris place au trône, Mgr de Llobet, archevêque d'Avignon, se rend au faldistoire pour se préparer à célébrer la Messe Pontificale de Requiem. Les chants furent exécutés par les schola du Petit et du Grand Séminaires qui interprétèrent la Messe de Requiem de Gabriel Fauré à 4 et 6 voix mixtes.

La large nef de la Cathédrale était complètement pleine. Par les portes largement ouvertes on apercevait une foule immense stationnant au dehors et suivant les cérémonies grâce aux haut-parleurs. La Radio régionale assurait la retransmission de l'office funèbre, dont les commentaires étaient donnés par M. l'abbé Pédrico, professeur au Petit Séminaire St-Roch.

La Messe Pontificale achevée, M. le chanoine Raffit, archiprêtre de la Cathédrale, lut du haut de la chaire le télégramme de condoléances adressé par Sa Sainteté le Pape Pie XII et le testament spirituel de Mgr Brunhes.

Durant ce temps Nos Seigneurs les Evêques devant participer aux absoutes étaient allés se préparer à la sacristie. Les absoutes au nombre de cinq pour un évêque, furent données la première par Mgr Girbeau, évêque de Nîmes ; la deuxième par Mgr Delay, archevêque de Marseille ; la troisième par Mgr Moussaron, archevêque d'Albi ; la quatrième par Mgr de Llobet, archevêque d'Avignon, et la dernière par Son Eminence le Cardinal Gerlier, archevêque de Lyon.

Au chant du « Paradisum » le cortège se forma. Mgr Brunhes allait une dernière fois parcourir sa ville épiscopale.

Le cortège, remarquablement organisé, se déroula sans heurt. En tête se trouvaient les nombreuses délégations des œuvres et des mouvements d’Action Catholique avec leurs drapeaux et leurs draps d'honneur. Les religieuses aux costumes variés précédaient la croix, marquant le début du cortège du clergé au nombre imposant ; il se terminait par les évêques ayant assisté à la cérémonie. Son Eminence le Cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, en cappa magna violette, accompagné par Mgr Gardette et Mgr de la Serre, précédait immédiatement le corbillard.

Derrière le corbillard, dont les cordons étaient tenus par diverses personnalités se trouvait, faisant le deuil, Mgr Duperray entouré de la famille épiscopale. Ensuite venaient les autorités civiles et militaires et la famille de Mgr Brunhes. Derrière elle une foule sans cesse accrue suivait en récitant le chapelet.

Il était midi lorsque le cortège sortant de la Cathédrale débouchait devant la Faculté de Médecine. Il était 13 h. 30 lorsqu'il pénétra à nouveau dans la Cathédrale après avoir parcouru le boulevard Henri IV, la rue Loch, la rue de la Loge, la place de la Comédie, le boulevard Sarrail, le boulevard Louis-Blanc, le boulevard Pasteur et la rue Cardinal-de-Cabrières.

Une foule dont il est difficile d'évaluer le nombre s'échelonnait, par endroits en véritables grappes humaines, tout le long du trajet. Pas une voix discordante ne s'éleva, un silence impressionnant ne cessa de régner, la grande majorité des spectateurs se signaient ou faisaient signer leurs enfants. Témoignage de respect envers celui que tous dans cette foule ne connaissaient pas d'une façon particulière mais qui représentait pour tous le Père et le Chef.

A 17 heures l'inhumation de Mgr Brunhes se déroula en présence de Mgr Duperray, de la famille, de la Maison Episcopale, des membres du Chapitre et du clergé. Monseigneur Brunhes repose désormais en attendant la résurrection générale, à côté de ses prédécesseurs sur le siège de Montpellier depuis le début du XIXe siècle : Mgr Fournier, Mgr Thibault, le Cardinal de Cabrières et Mgr Halle, ancien auxiliaire du Cardinal.

Le service de quarantaine

Le mardi 5 avril à 10 heures, était célébré dans la Basilique-Cathédrale St-Pierre le service funèbre de quarantaine. Une nombreuse assistance se trouvait réunie dans l'immense nef pour s'associer à la liturgie si parlante de la messe des défunts.

La Messe pontificale de Requiem fut célébrée par Mgr Girbeau, évêque de Nîmes. Au chœur se trouvaient Son Excellence Mgr Delay, archevêque de Marseille ; Son Excellence Mgr de Llobet, archevêque d'Avignon et métropolitain, et Son Excellence Mgr Duperray, évêque de Montpellier, son actuel successeur. Le clergé et les représentants des Ordres religieux remplissaient le sanctuaire. La cérémonie fut rehaussée par les chants de la Chorale du Petit et du Grand Séminaire qui, sous la direction de M. l'abbé Roucairol, interprétèrent la Messe « Doulce Mémoire » à 4 voix de R. de Lassus.

Avant l'absoute, Son Excellence Mgr de Llobet, archevêque d'Avignon, monta en chaire pour évoquer le souvenir de l'évêque regretté. (Nous en donnons le texte complet par ailleurs.)

Après cette belle évocation d'une vie si riche en renseignements, l'absoute fut donnée par Mgr Girbeau dans la chapelle du caveau des évêques. La cérémonie s'acheva par le chant par la Chorale du Petit Séminaire du Final de la Passion selon St Jean de J.-S. Bach. Puis peu à peu la foule s'écoula, emportant dans son cœur le souvenir de celui dont Mgr de Llobet venait de parler si magnifiquement.

Discours de Son Excellence Monseigneur de Llobet

Archevêque d'Avignon

N'est-ce pas enfreindre la volonté formelle de celui dont le souvenir nous assemble, que d'évoquer publiquement son nom, sa mémoire, son œuvre ? Respectueux de sa défense, ne prenant la parole que pour déférer à un désir exprès, je m'abstiendrai de la louange, si méritée soit-elle, et ne ferai qu'effleurer la trame de sa vie, m'essayant à entretenir votre estime pour le sacerdoce et pour la plénitude du sacerdoce qu'est l'Episcopat, prolongement de la mission terrestre de Jésûs-Christ.

Aussi bien, Dieu seul connaît exactement la stature morale d'un homme et le rapport qui va entre ses actes et les talents reçus.

Il y a quarante jours, une vie s'éteignait, une carrière s'achevait, un épiscopat prenait fin, si tant est que la durée d'une carrière épiscopale tienne entre la date du sacre et celle de la mort. C'est là, j'en conviens, l'estimation courante. Est-ce bien la réalité ?

Da vie d'un pontife venant s'insérer sur une dynastie près de deux fois millénaire, n'a-t-elle pas été,' de toute éternité, prévue et préparée par Dieu ?

Toutes les ambitions sont permises à l'homme qui aborde une carrière civile.

Au sacerdoce, il n'appartient qu'à Dieu de nous appeler et de déterminer les échelons auxquels il nous a prédestinés. « Ipse elegit nos et non ipsi nos, »

Des évêques passent et l'épiscopat demeure.

De l'un à l'autre, la même charge se transmet, la même tâche se poursuit et les pasteurs qui se succèdent s'efforcent, le regard fixé sur la personne du Maître, de conduire le troupeau comme ferait le Bon Pasteur. Ils ne sont, somme toute, que les instruments d'une œuvre immortelle à laquelle ils prêtent leurs labeurs passagers. Heu¬reux si les brebis, retrouvant en eux un reflet de la bonté divine, disent, après saint Jean : « Et nous aussi nous avons cru à la charité. »

Des évêques passent et l'épiscopat demeure. A l'instant où je parle, il y a quelque part, Dieu seul sait où, une mère qui berce et allaite un enfant, un enfant qui, dans un demi-siècle, montera dans cette chaire, s'assiéra sur ce trône et sera le père des âmes qui seront où vous êtes.

A l'heure dite, retentit la voix qui appelle Samuel.

Où commence la carrière d'un évêque ?

A s'en tenir au sentiment de Saint Déon le Grand, de toute éternité, le Saint-Esprit prépare ceux qu'il destine à la direction de son Eglise. « Eos redores Ecclesia accipit quos Spiritus Sanctus prce-paravit (Sermo II, in annivers. ordinat.). » Préparation lointaine dans les desseins cachés de la divine Providence. Préparation prochaine par le choix du foyer où la main de Dieu va chercher son élu.

Souvent, croyez-le bien, une vocation sacerdotale est la réponse du ciel aux pieux désirs d'une mère, au vertueux comportement d'un foyer. Il en fut ainsi pour le foyer où s'éveilla, il y a soixante-quinze ans, le berceau de Gabriel Brunhes, foyer où, de père en fils, régnait la foi, fleurissait la piété, foyer, hâtons-nous d'ajouter, de concert avec la religion, alliaient le goût de l'étude et le culte passionné des sciences.

Ne m'en veuillez pas de ne pas insister sur la notoriété mondiale acquise au nom des Brunhes par les travaux et les méthodes innovées du géologue ou par les savantes observations du physicien.

C'est bien à un brasier de science que s'allume la première étincelle d'un attrait que l'enfant, l'homme, l'évêque ne cesseront d'attiser.

Il tient de sa race. Quelle que doive être sa vocation, il faudra que le développement de l'esprit y trouve son aliment et que les succès académiques en forment le portique.

En fait, il passe par les Lycées de Toulouse, de Dijon, de Louis-le-Grand, le chemin qui aboutit au Séminaire d'Issy et à l'Université de Fribourg. Formation sans étroitesse, vous le voyez, à laquelle il devra l'habitude de garder ses fenêtres ouvertes sur le monde de la science et sur le monde tout court.

Ainsi équipé, il est l'homme indiqué pour occuper une chaire de Théologie à Saint-Flour, puis à Dijon. Et cela, notez-le bien, à une période délicate, voire critique, où des courants périlleux tentent de s'insinuer dans l'interprétation de la Sainte Ecriture et du dogme. Des noms de Loisy et du Modernisme servent d'étiquette à des erreurs dénoncées dans leur germe, mais dont la nocivité fut réelle. ,

Peut-être en est-il, dans cet auditoire, qui gardent souvenance des fortes leçons d'exégèse auxquelles, durant l'hiver 1906, Monseigneur de Cabrières convia l'élite pensante de la ville, afin d'exposer la solide structure de notre foi*et de prouver qu'elle n'avait rien à emprunter, ni rien à concéder aux apports de ces nouveautés hasardeuses.

De son côté, l'abbé Brunhes traversa aisément l'orage et le fit franchir sans péril à ses élèves.

Mais la marche des événements avait montré qu'il y avait intérêt à exercer un apostolat éclairé auprès des couches intellectuelles de la jeunesse et la Fédération des Etudiantes Catholiques fut favorisée quand fut placé à sa tête un pilote aussi habile que le professeur "de dogme de Dijon.

Des richesses que dès lors il accumule ont passé sous sa plume en des publications telles que Christianisme- et Catholicisme, La Foi et sa justification rationnelle, titres qui laissent entendre son souci constant de repousser un prétendu dualisme entre science et croyance et de désigner, bien au-dessus, la source unique de tout savoir.

Quels ne furent pas le saisissement, la stupeur et l'angoisse du professeur surpris à sa table de travail, bousculé dans la quiétude de sa cellule par l'étrange nouvelle que le Souverain Pontife le voulait évêque et lui enjoignait d'échanger sa chaire et le paisible enclos du Séminaire contre le siège et le vaste territoire d'un des plus beaux diocèses de France ?

Certes, il en savait assez pour appréhender les responsabilités et le poids d'une charge que les temps font chaque jour plus lourde.

Mais il en savait assez aussi pour qu'on ne laissât pas sous le boisseau les trésors de son intelligence et qu'on le priât d'en faire bénéficier une ville dont le renom intellectuel offrait un théâtre bien adapté à sa valeur.

Et le Saint-Père, à son tour, eh savait assez sur les qualités du sujet pour ne pas écouter ses objections et ses refus.

Elle demeure inoubliable cette matinée du 20 août 1932 où, dans le rayonnement de la fête de saint Bernard, le fils le plus illustre de Dijon, votre évêque reçut la plénitude du sacerdoce. Il acceptait, timide et résigné, mais la conscience sereine et sûre, le fardeau que l'obéissance lui imposait.

Quels que soient l'éclat d'une pareille solennité, les compliments et les souhaits dont elle s'accompagne, ils ne dissimulent pas à l'élu les réalités qui le guettent.

Savez-vous ce qu'une humble paysanne de Turin, la mère de Don Bosco, disait à son fils, au jour de sa première messe ? « Mon fils, devenir prêtre, c'est commencer à souffrir ! » Devenir évêque, serait-ce s'acheminer vers le Calvaire ?

De quelles souffrances s'agit-il ? Continuelle anxiété dans l'accomplissement surnaturel de son rôle. Amères déconvenues en constatant l'inutilité de ses efforts auprès du grand nombre. Cruelle humiliation quand on mesure la disproportion entre ses moyens et ses devoirs.

Oui, mais l'honneur est - grand d'être associé à la passion du Christ, de mêler son humble tribut à l'immolation qui racheta le monde, Da paix rassure l'âme quand on gravit les degrés de l'autel soutenu par la main du Seigneur. Da confiance est entière dans les éternelles espérances que Jésus a ouvertes devant ceux qu'il envoyait à sa vigne.

Savoir et sagesse, étendue des connaissances et maturité des vues, voilà bien les dons utiles à qui doit instruire et gouverner. Dons que décuple cette autre qualité, attirante quand elle est innée, conquérante quand elle entre en action, la bonté.

Pourquoi le tairions-nous ? De cœur a des ressources de délicatesse qui ne se révèlent qu'à l'intime amitié, et celles que sa nature sensible sut choisir, parmi ses collègues, étaient bien assorties pour le comprendre.

Décidément, l'évêque qui pénétrait, un soir d'été, pour la première fois, dans cette Cathédrale, n'entendait « devenir la tête de ce diocèse que pour en être aussi le cœur » (Mgr GERBET, Discours d'intronisation, juillet 1854.).

Chaque pontificat écrit une page (ou un chapitre) de l'histoire diocésaine.


Des événements, généraux ou locaux, en tissent la trame. Da personnalité du chef dirige les uns, utilise les autres. Je n'ai garde de m'aventurer sur un thème aussi vaste. Il mérite une étude que d'autres, je le souhaite, sauront lui consacrer.

Ce que l'histoire locale devra retenir, c'est l'impulsion intellectuelle et intelligente qu'il s'est appliqué à donner à ceux qui recouraient à lui, principalement à ses collaborateurs apostoliques, ses prêtres, objet tout spécial de sa sollicitude.

Action de l'esprit sur l'esprit, soulignée par l'appoint toujours persuasif de la bonté.

De fruit de ses études et de ses méditations, l'évêque le distribue dans ses homélies et ses discours, le monnaie dans ses conversations. Il parle pour instruire et il n'est pas rare qu'à l'écouter on perçoive des clartés qu'on ne soupçonnait pas.

L’empreinte qu'il laisse est profonde, son résultat- durable. Da valeur de ses conseils, le poids de ses jugements ne seront point perdus pour ceux qui en ont bénéficié. De la série de ses lettres Pastorales se dégage une possession de la théologie dogmatique ou ascétique, qui classe en bon rang ces documents parmi ceux de ses collègues.

Maître de sa parole, il se distingue par ses observations psychologiques et sa pénétration au cœur des problèmes qu'il aborde.

Qu'on lui demande d'affronter la mystique de St Jean de la Croix, d'analyser la vie intérieure si complexe de Ste Jeanne de Chantai, de retracer les merveilles charitables de St Jean Bosco, il fait honneur à la chaire chrétienne du haut de laquelle il dispense aux âmes avides la nourriture substantielle qu'elles attendent.

Les besoins de l'heure, l'actualité ne sont nullement négligés. Il en saisit les côtés susceptibles de contribuer au bien de l'Eglise, il discerne au premier coup d'œil les aspects qui servent ou qui menacent la cause de Dieu.

Un biographe aura largement à puiser dans ce que Mgr Brunhes a fait pour la marche religieuse et sociale de son diocèse.

Da tenue d'un Synode, les assises du Congrès National du Recrutement sacerdotal, divers Congrès régionaux, la création, ici et à Béziers, de Centrales d'Action Catholique sont des faits ou des étapes qui demeureront liés à son nom. Des Digues masculine et féminine d'Action Catholique, les mouvements spécialisés sont, à ses yeux, de nécessaires activités qu'il ne cesse .de promouvoir.

En cette année mariale, comment tairais-je le couronnement, au nom du Souverain Pontife, de la Vierge miraculeuse-de Notre-Dame du Suc, journée triomphale que celle du 10 juin 1935 où, sur les hauts coteaux de l'Hérault, plus de 25.000 pèlerins témoignèrent de leur fidélité à l'ancestrale dévotion envers Marie. Comme jamais peut-être, le cœur de l'Evêque battait, ce jour-là, à l'unisson de celui de son peuple.

Qui de vous ne sait l'intérêt pieux qu'il a porté à l'édification de l'église paroissiale de Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus, vrai bijou de l'art contemporain, en même temps qu'ardent foyer d'authentique activité religieuse.

Mais mieux que moi, vous tous, vous avez vu, au jour le jour, ses démarches et ses œuvres.

Bénissez-le, mes Frères, comme des enfants reconnaissants doivent bénir et honorer la mémoire de leur père.

Quand un voile de deuil s'appesantit sur le pays et que la France subit un revers passager, lorsqu'une vague de division déferla sur notre sol, l'élévation native de votre évêque ne fut pas en défaut.

Des conditions extérieures pouvaient changer, la mobilité des hommes pouvait se donner libre cours, son attitude personnelle ne connut qu'une loi : droiture et loyauté ; son attitude de chef ne poursuivit qu'un objectif : l'honneur et le salut du pays.

Si son cœur endura des blessures, lui du moins, n'en infligea à personne et sa charité se prodigua auprès de toutes les souffrances qui étaient à sa portée.

Aux yeux d'un prince de l'Eglise, rien ne vaut un signe de bienveillance ou de faveur venu de Rome. Ce signe ne manqua pas à Monseigneur Brunhes. Il semble que cette église résonne encore des accents jubilaires qui, à la commémoration du centenaire de l'Université, associaient la fierté du diocèse devant le geste de S. S. Pie XII, décorant du sacré Pallium les épaules de l'évêque de Montpellier.

Ainsi, à cinquante-six ans d'intervalle, en des circonstances analogues, la même distinction honorait deux prélats qui se flattaient d'entretenir avec l'Université les liens réciproques d'une compréhension respectueuse et cordiale et qui servaient si bien la cause de la vérité en alliant dans leur sollicitude, l'amour des belles lettres, la curiosité de la science aux ardeurs de l'apostolat.

Un mois ne s'était pas écoulé que sonnait l'heure de l'épreuve, épreuve qui, sans rien enlever à la conscience du malade, interrompait le contact du pontife avec son peuple.

Seuls les anges savent ce que pèsent les larmes d'un évêque dans, la balance où sont comptés ses labeurs.

Pour adoucir cette phase douloureuse, la Providence plaçait à son chevet des dévouements discrets et prévenants comme la vertu seule en inspire.

C'est à pas lents, très lents, que le mal a progressé et que la mort est venue frapper à la porte du palais épiscopal.

„ Le 24 février !... Coïncidences et contrastes ! En est-il parmi vous, mes Frères, qui se souviennent que, le 24 février 1900, cette Basilique connaissait la splendeur exceptionnelle d'un double sacre et que deux enfants du pays, prosternés là, au seuil du sanctuaire, se relevaient évêques de Grenoble et de Beauvais ?

Et l'an passé, en la Primatiale de Lyon, dans le faste de la' liturgie locale, la même fête de saint Mathias ne vous donnait-elle pas celui qui allait partager, puis recueillir la paternité de vos âmes ?

Au gré des ans, aux mêmes dates, sous le choc varié des impressions quotidiennes, alternent en nous les sourires et les pleurs.

Ee 24 février dernier, à l'heure où, _ sur la croix, Jésus expira, votre père et pasteur paraissait devant Celui qu'il avait fidèlement servi, filialement aimé.

Où commence et où finit la carrière d'un évêque ?

La mort, je le maintiens, n'est pas le terme de toute activité surnaturelle.

Qui de vous, mes Frères, consentirait à croire que le pouvoir d'une âme vertueuse s'évanouit aux frontières de ce monde, que son crédit auprès de Dieu cesse avec son admission auprès de Dieu !

« Lorsqu'une âme d'élite quitte la terre pour le ciel, croyez-vous que sa charité soit glacée parce que son cœur de' chair et de sang est refroidi par la mort ? Si la prière est la toute-puissance de la

créature, suffit-il de monter au ciel pour perdre ce pouvoir ? Est-on destitué parce qu'on est couronné ? (Mgr GERBET, Esquisse de Rome chrétienne, t. II, p. 229) »

C'est sur cette conviction que s'appuie notre espoir dans l'intercession que, de là-haut, accordera au diocèse le très digne pontife qui vient de nous quitter.

Qu'il reçoive, ce matin, en cette Cathédrale que sa parole anima, que sa piété édifia, l'hommage de la gratitude unanime d'un peuple qui a bien répondu à ses avances, d'un clergé qu'il a sagement et paternellement gouverné.

Auprès de celui qui « d'avance, aima ses successeurs », de celui qui, près d'un demi-siècle, concentra sur ses paroles et sur ses gestes l'attention des catholiques de France, auprès de l'éminentissime Cardinal de Cabrières repose désormais Monseigneur Brunhes qui, durant seize années, tint en mains sa houlette et hérita de la finesse de sa pensée.

L'ultime satisfaction qu'avait concédée le ciel au prélat vénéré, satisfaction complète et combien justifiée, ne fut-elle pas de savoir, mes Frères, à qui il vous léguait, d'explorer le cœur de celui qui vous continuerait sa tendresse et son zèle, de réaliser, en un mot, durant douze mois, la présence « d'un évêque en deux personnes » ?

Et vous, Excellence déjà tant estimée, vous que sa main et son cœur ont installé à sa place, vous que sa voix désignerait encore, s'il en était besoin, à la dilection de ce peuple si disposé à vous suivre, vous qui, par un dessein providentiel, au jour où revenait le premier rappel de votre sacre, venez de ceindre les cinq couronnes, insigne apanage de l'Evêque de Montpellier, entrez d'un pas assuré dans les voies que Monseigneur Brunhes a ouvertes devant vous. A pleines mains et à plein cœur, serriez le grain de la moisson sacerdotale, levain promis au'salut de vos ouailles. Fort de la protection de vos prédécesseurs, creusez votre sillon, œuvrez votre journée, répandez les sueurs de votre front et le sang de votre âme. Ea journée . toujours est trop courte de qui se donne tout entier.

Puissiez-vous, puissions-nous tous, mes Frères, rejoindre celui qui nous précède et nous attend au séjour où le Seigneur rassemble ses ouvriers bons et fidèles, dans la lumière et dans la paix. Ainsi soit-il.

Office funèbre célébré à Dijon

Le mardi 22 mars à 11 heures, dans la crypte de la Cathédrale Saint-Bénigne de Dijon, un service funèbre était célébré à la mémoire de Son Excellence Mgr Brunhes, évêque de Montpellier. Au premier rang de l'assistance on remarquait dans la famille du regretté disparu Mme Joseph Brunhes, veuve de l'ancien bâtonnier, frère du défunt.

La cérémonie fut présidée par Son Excellence Mgr Sembel, évêque de Dijon, qu'entouraient M. le Vicaire général Lefebvre, la plupart des chanoines du Chapitre, les curés-doyens de la ville, les professeurs du Grand Séminaire.

M. le chanoine Verpeaux, vicaire général, célébra la messe et les chants furent interprétés par la schola du Grand Séminaire.

Après l'Evangile, M. le chanoine Mouroux, Supérieur du Grand Séminaire, prononça une courte allocution que nous reproduisons intégralement.

Après la Messe, Son Excellence Mgr l'Evêque de Dijon donna l'absoute.

Allocution de M. le Chanoine Mouroux

Supérieur du Grand Séminaire de Dijon

C'est le privilège des vivants de se souvenir de ceux qu'ils ont aimés, de les reprendre dans leur prière et de les plonger dans le Sang du Christ, afin de hâter leur délivrance. C'est ce devoir de foi, de religion, d'amitié religieuse et fraternelle, qui nous réunit ce matin.

Je ne suis pas ici pour louer l'Evêque disparu ; ce n'est pas mon rôle et, au surplus, il l'a expressément défendu. Je suis ici pour vous aider à vous souvenir de lui devant Dieu, en mêlant sa mémoire à celle du Seigneur mort et ressuscité pour nous ; et afin que, tous ensemble, nous priions le Seigneur même de se souvenir de lui, au sein de son Paradis : « Mémento Domine, famuli tui Gabrielis ».


Il fut, au milieu de nous, l'homme de la Vérité. Il aimait passionnément la Vérité de Dieu ; son intelligence aux prises vigoureuses, sa foi toute droite, sa parole jaillissante et lucide, le prédestinaient à rendre un magnifique témoignage à la Vérité. Il a nourri des générations de séminaristes et de prêtres. Il a éclairé un large public de chrétiens, à l'intelligence exigeante, à l'âme souvent inquiète dans des moments difficiles. Il a été, pour son compte, cette « lumière dans le Seigneur » que tout prêtre doit être au long de ses jours.


Il a été l'homme des âmes. En même temps que Directeur au Grand Séminaire il était aumônier du Bon Pasteur et il avait un large ministère de direction spirituelle. Il s'y dépensait avec joie, et sans compter. Je me rappelle lui avoir demandé, avec la candeur de la jeunesse : « S'il vous fallait choisir entre le ministère de l'enseignement et celui de la direction, que choisiriez-vous ?» Et je l'entends encore me répondre : « J'aurais grand'peine à laisser l'un ou l'autre car les deux se complètent et se nourrissent l'un l'autre. »

Sa vaste culture théologique le mettait à même de répondre efficacement aux difficultés réelles ; et la vie spirituelle des âmes qui lui étaient confiées l'empêchait de s'en tenir aux formules et lui faisait toucher du doigt l'histoire difficile, douloureuse et magnifique des âmes aux prises avec la grâce et le péché.


Il a été l'homme de l'Eglise. Nous sommes un bon nombre à nous rappeler encore, au cours des retraites du Grand Séminaire, la façon dont il parlait de l'amour de l'Eglise. Avec une foi profonde,, avec un réalisme courageux, avec une exigence véhémente, avec une certitude réconfortante.

Promu au siège de Montpellier, il prolongea et étendit plus que jamais, sur tous les plans, son service de l'Eglise. Et quand il eut bien travaillé, quand il se fut bien dépensé, le Seigneur, brusquement, l'arrêta, le fit rentrer dans le silence, éteignit sa parole et lui demanda de servir dans la faiblesse et l'impuissance apparente, dans le sacrifice prolongé, le mettant, pour ses derniers jours, avec Lui et comme Lui, sur la Croix.


Monseigneur Brunhes est parti maintenant. Quelques "semaines après son' frère, le bâtonnier Brunhes. Nous les unirons dans une même prière, avec tous ceux qu'ils ont aimés.

Réunis par cette présence invisible, et nous rappelant ses leçons,. nous prierons Dieu de faire de nous — au milieu de ce monde de mensonges des hommes qui croient à la vérité et la mettent dans leur vie ; au milieu de ce monde féroce, des hommes qui aient le sens du respect, de la justice, du dévouement ; au milieu de ce monde où l'on ne croit plus à l'Eglise (les chrétiens même, parfois...) des hommes qui croient à la présence de Dieu à travers ces choses qui sont les sacrements, à travers ces mots et ces formules qui sont le dogme, à travers ces hommes : le Pape et les Evêques, qui sont la Hiérarchie.

Et, parce qu'une âme humaine est toujours impurifiée, devant Dieu ; parce qu'il faut être totalement saint pour apparaître à la face de Dieu ; parce que le mystère des destinées, qui ne nous est jamais dévoilé, reste toujours enveloppé dans la miséricorde qui sauve, nous supplierons, dans l'espérance, par les mérites du Sauveur, par l'intercession de la Vierge et de l'Eglise, Dieu notre Père de faire entrer cette âme qui nous a quittés, dans le « lieu du rafraîchissement, de lumière et de paix ».

Ainsi soit-il.

Le testament spirituel

Notre but a été d'essayer de faire revivre la physionomie, de rappeler les principales pensées, les principaux enseignements de celui qui fut Mgr Brunhes.

Nous ne pouvons mieux terminer cet ultime témoignage d'amour de son diocèse (évêque, prêtres et fidèles) qu'en offrant à nos lecteurs en guise de conclusion le texte de son testament spirituel, magnifique reflet d'une belle âme de prêtre et d'évêque :

« Pâques 1942.

« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

« Je meurs dans la foi de l'Eglise catholique dans laquelle je remercie Dieu de tout cœur de m'avoir fait naître au sein d'une famille profondément chrétienne.

« Je remercie Dieu de m'avoir inspiré un attachement à l'Eglise « sans cesse accru et de m'avoir appelé à l'honneur de le servir dans « le sacerdoce jusqu'en la redoutable responsabilité de l'épiscopat.

« Je garde et porterai au Ciel où j'espère fermement être admis, « après les nécessaires purifications, le souvenir reconnaissant de tous « ceux ou de toutes celles qui ont été vis-à-vis de mon âme les intermédiaires de la Providence pour me combler de grâces : parents, « frères et sœurs, amis, prêtres et fidèles, notamment ceux qui furent, « à tous les degrés de la hiérarchie et dans l'Action Catholique les « collaborateurs dévoués de mon ministère. Je ne veux oublier aucun « de ceux que j'ai connus et toutes les âmes dont j'ai eu la charge* « peuvent compter sur ma prière tout comme j'aime à compter sur « la leur. Mais si je fais appel à ce secours, je demande par contre « expressément que l'on s'abstienne à mon égard de tout éloge funèbre, ce Les paroles ne changeraient rien à la réalité ni au jugement de Dieu.

« Je demande pardon à tous ceux que j'ai pu offenser ou contrister, à tous ceux prêtres, séminaristes, fidèles et incroyants, « notamment à ceux de mon diocèse, vis-à-vis desquels j'ai insuffisamment servi ou involontairement trahi l'œuvre de grâce dont j'étais le ministre. Et je pardonne très volontiers à ceux qui auraient pu me vouloir quelque mal.

J'offre de tout mon cœur ma vie pour mon diocèse, pour la France, pour l'extension du règne de Dieu sous toutes ses formes : apostolat sacerdotal, Action Catholique, conversion des élites et dés masses éloignées de la foi, retour de tous les chrétiens à l'unité, et conquête missionnaire, paix durable entre les hommes.

Quand je songe au compte que j'aurai à rendre, mon seul refuge est dans la-confiance illimitée en la miséricorde de Notre-Seigneur qui m'a poursuivi de son amour de ma naissance à ma mort.

Je me confie filialement à l'intercession maternelle de la Sainte Vierge quel que soit le vocable : Notre-Dame des Tables, Notre-Dame du Suc... Je compte sur l'aide de mon ange gardien, de mes saints patrons, de Saint Joseph dont j'ai pris le nom à ma confirmation, de Saint François de Sales dont j'ai beaucoup aimé le patronage et la doctrine. »

« IN MANUS TUAS DOMINE COMMENDO SPIRITUM MEUM. »