Affrèrement (acte)
Résumé de la conférence de Jean Delmas, lors de l’Assemblée générale du Cercle généalogique de l’Aveyron 2012, à Ségur
Les actes d’affrairement que l’on découvre dans nos registres de notaires sont, semble-t-il, une invention méridionale, en marge du droit romain. Le mot qui est occitan (afrairament, afrairar) désigne une forme d’association dont les membres sont désormais liés en droit et en affection comme des frères, et à égalité. On peut distinguer trois grandes catégories et de nombreuses variantes qui montrent la richesse de la formule.
L’affrairement entre frères permet de prolonger d’une génération, bien au-delà du décès des parents, l’unité de la cellule familiale, en l’élargissant aux conjoints et aux enfants. Tous vivront sous le même toit, à la même table, autour du même feu, vêtus des mêmes étoffes, travaillant ensemble sur les mêmes terres indivises. En 1555, les deux frères Malmon des Cazelles (Roquefort) concluent une telle association égalitaire, tout en prévoyant que la famille de l’aîné aura, un jour, la préséance, pour maintenir, à son tour, l’unité du nom, de la famille et de la maison.
En 1647, les deux frères Caramel de Montagnol mettent sur pied une union plus perfectionnée. Ils épousent deux sœurs réalisant en quelque sorte un double affrairement. Leurs enfants seront deux fois cousins, quasi-frères !
L’affrairement entre futurs époux ou même anciens époux a une autre finalité. Il s’agit de contourner les interdits liés au régime dotal, défini par le droit romain. Selon ce régime, le mari est le seul gestionnaire de la dot de sa femme mais il ne peut aliéner ce capital, en aucune façon. L’affrairement permet de passer au régime de la communauté, qui relève du droit coutumier. La dot sera aliénable, mais rien ne pourra se faire sans la participation de l’épouse à la gestion de tous les biens désormais communs.
En 1542, Raimond Austri et Margarida Verdier de Saint-Agnan de Ségur se marient, conformément à l’usage, selon le régime dotal et ils passent immédiatement après, par un affrairement, au régime de la communauté. En 1662, Jean Marty de Bournac et Marguerite Crassous, mariés depuis des années, constatent qu’ils ne peuvent avoir d’enfant. Mus par l’affection, ils décident de s’affrairer. Ainsi, la famille de Marguerite ne pourra réclamer le retour de la dot, si elle décède la première.
L’affrairement d’assistance mutuelle est la formule la plus originale. Elle permet à des individus qui ne sont ni frères ni époux de s’associer. C’est souvent, sans le dire, un contrat d’adoption ou de pré-adoption. En 1458, Raymond Rigal de Pinet (La Cresse) s’affraire avec son jeune cousin, Jacme Rigal, qu’il met à l’épreuve dans la gestion de son exploitation, probablement pour voir s’il pourra, un jour, lui léguer ses biens et assurer ainsi la prolongation de la famille.
En 1549, Guilhalma Combes du Cayla (Martrin) s’affraire avec Pierre Barthe. Ce dernier avait épousé sa fille unique qui est décédée sans enfant. Veuf, il se remarie. Guilhalma Combes va adopter, sans que cela soit dit, cette nouvelle famille à laquelle aucun lien de sang ne la lie, mais qui l’entourera de son aide et, on l’espère, de son affection jusqu’à ses derniers jours. Ces divers exemples montrent les nombreuses aptitudes du contrat d’affrairement. Il permet soit de renforcer l’unité familiale, soit de maintenir le plus longtemps possible la continuité du lignage sur la même terre ou, à défaut, de greffer un nouveau lignage sur les vieilles racines familiales ; et en attendant