Jean-Pierre Thomas
Biographie selon Eugène Thomas
M. Jean-Pierre THOMAS naquit à Montpellier le 18 août 1756. Il fit ses études de latin et de philosophie au collège de cette ville, et suivit son cours de droit en l'université qui s'y trouvait alors. Il n'entra pas néanmoins dans la carrière du barreau, peut-être à cause de l'âge avancé de son père, qui avait besoin d'un jeune homme actif et intelligent auprès de lui pour l'aider dans les divers emplois dont il était chargé.
Il résolut donc de travailler avec son père. Cet homme respectable, et ce titre ne lui sera pas contesté, s'appliqua à perfectionner les talens et les connaissances de son fils ; il l'instruisit surtout dans la lecture et l'interprétation des anciennes écritures où le jeune homme fit des progrès rapides, d'autant plus que cette étude entrait dans son goût pour la connaissance de l'antiquité.
Son père mourut en 1787. M. Thomas, chargé dès ce moment de soutenir une partie de sa famille, y parvint aisément par les divers emplois dont il fut honoré, et que lui méritèrent ses connaissances et ses vertus reconnues.
En 1791, le directoire du district de Montpellier, voyant l'énorme quantité de papiers qui provenaient des différens corps ecclésiastiques supprimés, des archives du diocèse, de l'intendance, etc., et le désordre et la confusion qui allaient en résulter, si une personne habile ne s'occupait de leur classement, jeta les yeux sur M. Thomas, et le nomma son archiviste pour un an seulement ; mais il parait que ses services et ses soins furent jugés plus long-temps utiles, puisqu'il n'a cessé d'être archiviste qu'en quittant la vie.
Nommé secrétaire-général en 1794, il fut continué dans les fonctions d'archiviste ; son caractère inoffensif le fit maintenir dans ces places, alors si difficiles à remplir. Mais que de chagrins, que de peines n'eut-il pas à éprouver depuis plusieurs années qu'il avait été nommé à ces emplois ! Nous ne voulons pas rappeler ici ces jours malheureux dont il sera souvent question dans les mémoires qu'on va lire ; mais qu'on se représente un cœur vertueux, un homme ennemi de l'irréligion, placé à un poste où venait répondre le détail de toutes les opérations du jour; qu'on se représente un frère qui, au milieu des siens, ne peut se permettre le soulagement si naturel à une âme sensible, afin de leur épargner une partie de sa douleur ; enfin, qu'on se représente un homme, un citoyen, un véritable ami des citoyens, qui les sert autant qu'il est en son pouvoir, et l'on se persuadera aisément, que si M. Thomas a pu garder aussi long-temps un poste si pénible et si dangereux, s'il n'a pas cherché à s'éloigner de ses semblables, c'est qu'il sentait trop qu'il leur était utile et même nécessaire, et que de voix s'élèvent aujourd'hui pour le publier, que sa modestie a fait taire pendant sa vie !
Enfin, le calme étant rétabli, M. Thomas put, avec moins de travail, occuper ses loisirs par des recherches curieuses sur divers points de l'antiquité considérée dans le département de l'Hérault. Il fit insérer dans l'annuaire de 1818 une notice historique sur ce département ; nous l'avons placée à la tête de cet ouvrage. Il s'occupa l'année suivante d'un travail plus difficile, mais plus intéressant pour l'archaeologie ; nous voulons parler de l'entière découverte d'un chemin romain (la voie Domitienne) qui traverse le département, et de l'emplacement du forum Domitii, si célèbre par les divers sentimens et les erreurs des auteurs qui en ont parlé, et qui étaient presque tous partagés sur sa position. Cet ouvrage fut mentionné honorablement par l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres : il fait partie de ce Recueil.
La modestie de M. Thomas ne voulait point que son travail fût envoyé à l'Académie. Il dut cet honneur à l'indiscrétion bien excusable d'un ami, et à la bienveillance d'un magistrat que ses talens en littérature ont rendu célèbre dans la république des lettres, et que ses vues sages et politiques recommanderont toujours au Gouvernement et à ses administrés.
M. Thomas a laissé d'autres manuscrits curieux : des Mémoires sur l'église cathédrale Saint-Pierre de Montpellier, sur l'église Notre-Dame-des-Tables de la même ville, sur la place du Peyrou, et sur la statue équestre de Louis XIV, ouvrages qui forment le Recueil que nous publions. Cet archéologue distingué allait entreprendre un mémoire qui eût vivement intéressé le département de l'Hérault ; malheureusement il n'a pu y mettre la dernière main et n'a laissé que des notes sur ce sujet. Il devait traiter des diverses langues qui ont été en usage dans ce département. Son esprit méthodique lui avait fait diviser par époques les différens peuples qui ont habité l'Hérault, et dont voici les idiomes : le celte, le grec, le gaulois, le latin, le roman, le français et le languedocien. Sa vie prolongée nous eût donné un ouvrage qui manque à notre pays, et que notre curiosité ne saurait assez regretter. Il fut à Balaruc-les-Bains visiter un tombeau romain ; il est probable que l'insalubrité de l'air qui passe sur les étangs et les marécages environnans, fut la cause subite de sa maladie et de sa mort. Il fut enlevé à sa famille et à ses amis le 29 juillet 1820. M. Thomas était d'un caractère doux et aimable, plein de vertu, de probité et de religion ; porté surtout à obliger ; d'un commerce agréable pour ses amis, et pour tous ceux qui l'ont connu. Modeste dans ses connaissances multipliées, peu ambitieux de gloire et de richesses dont il aurait pu jouir, il aima mieux les mériter que les posséder.