Jean Louis Simon Rollet : Différence entre versions
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Jean-Louis-Simon Rollet naquit le 3 juillet 1746, sur la paroisse Saint-Louis, à Rochefort, où son père, Jacques Rollet, remplissait les fonctions de commissaire aux classes de la marine. Sa mère, Anne Le Cercler, devenue veuve quelques années après, se remaria, en 1754, à M. Lemercier (Jean-Élie), lieutenant criminel au présidial de Saintes, et en eut un fils, qui fut député aux États généraux de 1789, président du conseil des Anciens à l'époque de la révolution du 18 brumaire, puis sénateur et pair de France. M. Rollet était donc frère utérin de M. le comte Lemercier. Après avoir reçu les ordres, il fut nommé, par M. l'évéque de Saintes, curé de la paroisse de Pérignac, en ce diocèse, et la Révolution le trouva dans ces modestes fonctions pastorales. Sur son refus de prêter le serment exigé par la constitution civile du clergé, il dut abandonner sa paroisse et chercher un refuge contre la persécution. Son émigration fut constatée par l'autorité départementale le 20 novembre 1793.
L'influence de son frère, l'un des fauteurs et artisans du 18 brumaire, l'ayant fait appeler au siège épiscopal de Montpellier après la conclusion du Concordat, l'abbé Rollet obtint, le 10 novembre 1802, l'institution canonique qui lui fut donnée par le cardinal Caprara, légat du Pape, et fut sacré à Paris le 14 du même mois. Arrivé à Montpellier le 2 décembre suivant, il fut installé le 5 du même mois avec la pompe la plus solennelle par un délégué de l'archevêque de Toulouse. Dès le lendemain, il choisissait pour premier vicaire général, l'abbé François-Xavier Coustou, né à Montpellier le 6 février 1760, et qui conserva ces fonctions jusqu'à l'époque de sa mort arrivée le 9 novembre 1844. Le second vicaire général qu'il associa à son administration fut l'abbé Marie-François-Ignace Boyer d'Anty, d'Albi.
Des ordres avaient été donnés par M. Nogaret, préfet de l'Hérault, pour faire exécuter à l'église cathédrale les réparations dont elle avait besoin, et pour qu'elle fût mise à la disposition de M. Rollet. Ce prélat rappela dans le diocèse les prêtres restés fidèles, en pourvut les églises, et autant qu'il le put, plaça les anciens curés dans leurs propres paroisses.
M. Rollet donna un règlement provisoire au chapitre de la cathédrale, après quoi il procéda à l'installation des chanoines, ainsi que des sept curés de Montpellier, dans les paroisses de Saint-Pierre, Sainte-Anne, Notre-Dame des Tables, Saint-Roch, Saint-Matthieu, Saint-Denis, Sainte-Eulalie. Il voulut aussi aller installer lui-même les curés de Pézenas et de Béziers, à cause des prêtres constitutionnels assez nombreux qui se trouvaient dans ces deux villes. L'abbé Coustou l'accompagna, le sous-préfet de Béziers était avec eux. A Pézenas, on sut que les constitutionnels étaient décidés à faire leur visite à l'évêque, mais qu'ils l'étaient aussi à soutenir l'orthodoxie de la constitution civile, et la légitimité de leur serment. L'abbé Coustou et l'abbé Mazuc, curé de Pézenas, qui connaissaient leurs dispositions, n'étaient point d'avis que M. Rollet entrât avec eux en discussion sur ces deux points. « Pie VI et Pie VII, disaient-ils, ont prononcé; la cause est terminée : si l'on discute, ce sera à n'en pas finir; on s'échauffera des deux côtés, chaque parti s'attribuera la victoire, l'obstination augmentera, et la paix sera plus éloignée que jamais. » L'évêque crut mieux faire en suivant des conférences dans lesquelles il prouverait à ces prêtres qu'ils étaient dans l'erreur; il espérait aussi que cette condescendance de sa part les toucherait, en leur montrant que c'était par la raison qu'il voulait les ramener plutôt que par l'autorité. Mais l'événement trompa son attente, et après de longues et vives disputes, on en revint au sentiment de l'abbé Coustou. On les laissa un jour tout entier à leurs réflexions, leurs amis et le sous-préfet s'en mêlèrent, et tous firent enfin une déclaration satisfaisante.
Il y eut dans plusieurs parties du diocèse un certain nombre de constitutionnels qui se refusèrent à toute espèce de rétractation et de soumission. A la même époque, il se forma un autre parti qui aurait pu devenir plus dangereux. C'étaient des prêtres respectables, sinon par leurs lumières, du moins par leurs vertus et leur courageuse fidélité pendant les jours mauvais. Leur attachement aux principes et aux règles de l'ancienne discipline ecclésiastique, leur profonde horreur pour les crimes de la révolution, leur peignirent le Concordat comme un abus de pouvoir, comme une sanction de ces injustices, qu'il aurait dû, au contraire, stigmatiser et flétrir. Le serment à prêter au gouvernement nouveau, et qui, selon eux, impliquait la reconnaissance de sa légitimité et l'abandon des droits de la famille royale leur causait aussi beaucoup de répugnance. Ils n'étaient pas seuls de cette opinion ; non-seulement dans plusieurs diocèses, beaucoup de bons prêtres pensaient comme eux, mais ils se sentaient encore appuyés par ce grand nombre d'évêques qui n'avaient point donné la démission de leurs sièges, et qui, avec beaucoup d'autorité et de logique, avaient exposé au Pape qui la leur demandait, les motifs puissants de leur refus. M. de Malide était de ce nombre, et quoiqu'il eût exhorté tout son clergé à reconnaître le nouvel évêque de Montpellier, quoiqu'il eût fait savoir même qu'en cas de besoin, il lui communiquait tous ses pouvoirs; comme en même temps, par une contradiction inexplicable, il avait nommé, pour son grand vicaire, un de ces prêtres anticoncordataires, M. l'abbé Teissier, ancien curé de Vendargues, ils croyaient que c'était pour eux un devoir de lui rester fidèles. Ils se séparèrent donc de M. Rollet et des prêtres qui lui étaient soumis, formèrent des oratoires particuliers, quelques catholiques s'attachèrent à eux, et il en résulta un autre schisme, qu'on appela la petite Église ou les Purs.
Le 29 juillet 1803, M. Rollet arrêta, de concert avec le préfet du département, la circonscription territoriale des paroisses, ainsi que l'ordonnait le Concordat.
Dans les premiers mois de cette année, il commença la visite pastorale du diocèse; elle fut bien pénible au cœur du vertueux prélat. Des traces de la révolution existaient encore partout. De tous côtés, s'offraient aux regards des églises à demi-ruinées, ou veuves encore de leurs pasteurs. L'indifférence religieuse avait fait de grands progrès dans beaucoup de paroisses rurales : les curés étaient découragés par l'immensité du travail, par l'absence, presque complète dans leurs ouailles, des dispositions qui le leur auraient rendu plus facile, parles obstacles mêmes que leur suscitaient trop souvent les mesquines et ignobles tracasseries des agents de l'autorité. Quelques-uns d'entre eux, anciens constitutionnels, n'avaient ni l'estime ni la confiance de leurs paroissiens, et ne se mettaient nullement en peine de les mériter par la sincérité de leur retour, la franchise de leur repentir, leur application à réparer, par une vie sainte, les scandales qu'ils avaient donnés dans des temps malheureux. Le cœur de l'évêque était inondé d'amertume. L'abbé Coustou, qui l'accompagnait, partageait sa douleur, mais non son abattement. Ses exhortations, ses reproches, ses encouragements, ramenèrent plusieurs curés au sentiment de leurs devoirs; l'éloignement de quelques autres, satisfaction nécessaire donnée à la foi des populations, suffit pour rendre celles-ci plus dociles aux enseignements de la religion : enfin, il fit sentir à plusieurs maires qu'ils servaient mal le gouvernement par cette lutte sourde qu'ils entretenaient contre leurs pasteurs, et on put dès lors entrevoir un meilleur avenir.
D'ailleurs, à peine de retour à Montpellier, et sur l'ordre de M. Rollet, l'abbé Coustou rédigea un Mémoire fort détaillé sur les plaies de la religion dans la partie du diocèse qu'ils venaient de parcourir ensemble, sur celles du moins, de ces plaies, auxquelles le gouvernement pouvait porter remède. Ce Mémoire roulait principalement sur l'état délabré d'un grand nombre d'églises, sur les presbytères dont les uns étaient inhabitables, les autres aliénés, sur l'insouciance des communes qui ne se prêtaient qu'avec mauvaise grâce aux sacrifices nécessaires pour que ces maisons pussent être mises dans un état convenable et rendues à leur destination primitive. Il y était aussi question de l'insuffisance du traitement accordé aux succursalistes, et du peu de bonne volonté que montraient les autorités municipales pour
y suppléer. Il s'étendait également sur des exemples pernicieux, des scandales, des propos, des actes provenant de ces mêmes autorités et paralysant, dans beaucoup de localités, le zèle des curés et le bien qu'ils auraient pu faire, sans cette hostilité par trop saillante. M. Nogaret, préfet du département, fut vivement frappé, et de ce qu'on lui apprenait et des hautes considérations que faisait valoir l'évêque de Montpellier par la plume de l'abbé Coustou; il les assura l'un et l'autre de son empressement à les seconder, et bientôt, l'événement prouva que ses promesses avaient été sincères.
M. Rollet ne tarda pas à faire connaître l'organisation définitive du chapitre cathédral proposée le 9 juillet 1804 et approuvée par le cardinal légat le 28 du même mois. D'après les instructions qu'il avait reçues, il composa le chapitre de douze membres; les deux vicaires généraux reconnus par le Gouvernement, huit chanoines titulaires, le curé de la cathédrale et le supérieur du séminaire. Il établit en même temps six dignités : un doyen du chapitre, président du chœur, un vice-président, un grand archidiacre théologal, un second archidiacre et pénitencier, un grand chantre et un sacriste. La charge de doyen-président du chœur fut donnée au premier vicaire général, celle de vice-président au second vicaire général, et les quatre autres à des chanoines titulaires. Il détermina qu'il y aurait des chanoines honoraires, mais sans en fixer le nombre, et régla que l'habit du chœur pour tous les membres du chapitre et les chanoines honoraires, serait conforme à celui du chapitre métropolitain de Toulouse, et qu'il consisterait dans un rochet, un camail noir et un bonnet carré.
Le 16 août suivant, il fit un règlement pour l'ordre des offices et des cérémonies qui devaient se célébrer dans l'église cathédrale, et le 27, il publia un Mandement en vertu duquel eut lieu, le 2 décembre, l'ouverture du jubilé accordé par le Saint-Père, pour rendre grâces à Dieu du rétablissement du culte catholique en France, et qui fut clos le 31 du même mois.
L'évêque de Montpellier avait de l'esprit, beaucoup de vertu, une piété éclairée et une pureté de mœurs poussée jusqu'à une extrême délicatesse. D'une simplicité très-grande, il faisait toutes ses visites à pied, dans la ville, appuyé sur une modeste canne. C'est ainsi que souvent, il aimait à aller surprendre chez eux les curés de sa ville épiscopale. A son tour, il était heureux de les recevoir dans son palais : il s'informait avec intérêt et bienveillance de leur santé, de leur position, de leurs joies ou de leurs chagrins. Il demandait des nouvelles de tels et tels autres ecclésiastiques qu'il n'avait pas vus, disait-il, depuis quinze jours. Plus d'une fois, l'abbé Coustou le vit arriver dans son cabinet, rue du Saint-Sacrement, au moment où il l'attendait le moins, pour le seul plaisir de faire la conversation, ou pour s'entretenir avec son vicaire général des affaires du diocèse.
Malheureusement, au sortir d'une révolution, l'esprit, la vertu, la piété ne suffisaient pas dans un évêque. Il fallait encore un grand tact, un jugement exquis, une connaissance parfaite du pays qu'on avait à administrer, et c'est là ce qui manquait à M. Rollet. Sa simplicité n'était guère que dans la vulgarité de ses habitudes et de ses manières, et ne l'empêchait point de tenir à ses idées : sa vertu ne relevait pas toujours au-dessus des faiblesses du caractère ou du tempérament, et son esprit avait un tour original qui se traduisait souvent en bizarreries et en excentricités très-nuisibles au bien qu'il était appelé à faire. Ainsi s'expliquent le ridicule qui s'attacha de bonne heure à sa personne, à ses actions, à ses paroles, et sous lequel il succomba, et la déconsidération qui l'atteignit si vite et paralysa toutes ses entreprises. Il recevait beaucoup de lettres du ministre des cultes, car tout était à créer à cette époque, mais il avait une singulière manière d'y répondre. L'enveloppe allait dans le panier, la page écrite dans sa poche, et la page blanche dans le tiroir qui renfermait le papier destiné à sa correspondance particulière. Le ministre insistait, écrivait une seconde, une troisième fois pour obtenir quelque chose, une ligne, un mot, nouveau profit pour l'évêque, et toujours même réponse. Portalis s'en plaignait souvent et d'une manière assez énergique : « S'il y avait dans tout l'Empire, disait-il, seulement trois évêques de ce calibre-là, j'aurais vingt fois donné ma démission. »
Avec un pareil caractère, tout devenait difficulté pour M. Rollet, et les obstacles se multipliaient sous ses pas. En butte à mille contradictions créées par le malheur des temps et aux-quelles il aurait dû s'attendre, il s'en étonnait pour s'en étonner encore, et ne savait en triompher ni par sa prudence, ni par son courage. Il louvoyait ou négociait sans dignité et en reculant lorsqu'il aurait fallu agir, et qu'une volonté décidée et énergique eût tout emporté; il montrait, au contraire, une ardeur juvénile, une irascibilité dépourvue de raison, une ténacité que rien n'expliquait, lorsque la douceur et les ménagements lui auraient aplani toutes les voies et obtenu tous les succès.
Par des mesures sévères, déraisonnables, intempestives, il-avait froissé tout ce qu'il y avait d'hommes religieux à Montpellier : il s'était rendu odieux au clergé, aux confréries, aux Augustins surtout qui s'étaient formés en 1801, et aux Pénitents Bleus dont l'excellent esprit, le dévouement et les sacrifices encore récents, méritaient assurément quelques égards. L'affaire du séminaire mal entamée, mal dirigée, mal terminée, causa bien des désagréments et des amertumes à M. Rollet. Il avait, sans trop de peine, obtenu du ministre de l'intérieur, pour y placer cet établissement, l'ancien couvent des Récollets. Malheureusement, il avait oublié et par conséquent, laissé ignorer au ministre que, dans un quartier de ce couvent, se trouvait un magasin à poudre. Quand il voulut en prendre possession, l'administration s'y opposa. Le ministre de la guerre intervint pour appuyer cette opposition, et de là naquirent des difficultés et des délais sans fin. Il avait d'abord choisi pour supérieur de son séminaire, M. l'abbé Dalga[1] , ancien sulpicien, qui avait bientôt mérité et acquis la confiance générale: Mais la division se mit entre eux, des reproches immérités, des méfiances injustes, des tracasseries sans nom occasionnèrent une brusque rupture entre l'évêque et le supérieur, que M. Champion de Cicé, archevêque d'Aix, enleva aussitôt au diocèse de Montpellier, pour le mettre à la tête de son séminaire.
Diverses plaintes avaient été portées au Gouvernement contre M. Rollet, aussi l'Empereur comprit qu'il fallait enlever ce prélat à son diocèse. Il le choisit donc pour être un des évêques qui devaient composer le chapitre impérial de Saint-Denis en voie de création. Sondé à cet égard, M. Rollet ne voulut rien entendre, de sorte que Napoléon trancha lui-même la question. Par décret du 21 mars 1806, il nomma M. Rollet, chanoine du chapitre de Saint-Denis créé par un décret du 20 février précédent. En même temps, il fit écrire au prélat par Portalis que sa démission était acceptée, et qu'à dater du 20 février, son traitement cessait comme évêque de Montpellier et commençait comme chanoine de Saint-Denis. M. Rollet se récria contre cette façon insolite, anti-canonique et tant soit peu brutale d'arracher un évêque son siège. « L'Empereur, disait-il, accepte ma démission ! oh ! je ne l'ai pas encore donnée !... il accepte ma démission, c'est-à-dire, qu'il me l'impose ! On ne peut pas se mettre plus despotiquement au-dessus de toutes les lois, de toutes les règles de l'Église! Il fait là ce que le Pape ne pourrait faire ! » M. Rollet avait raison, mais il fallut se soumettre : les volontés de Napoléon Ier étaient mieux obéies que ne le furent jamais les plus vénérés conciles.
Il partit donc de Montpellier le 17 mai 1806, bien résolu, disait-il, de ne pas quitter le poste où la Providence l'avait placé, et de ne pas accepter le canonicat de Saint-Denis. Voulait-il faire illusion aux autres, ou cherchait-il encore à se la faire à lui-même ? Nous ne savons, mais s'il avait gardé la plus légère espérance de conserver son siège, il dut bientôt y renoncer, et le comte Lemercier son frère, autant que ses propres réflexions, l'amenèrent à donner de bonne grâce, entre les mains du cardinal légat, la démission qu'on lui avait demandée. M. Rollet, chanoine de Saint-Denis, reçut le 5 août 1809, le titre de baron de l'Empire, et mourut à Saint-Denis à l'âge de 78 ans, le lundi 11 octobre 1824.- ↑ Barthélemi Dalga, né en 1747, à Puimisson, village du canton actuel de Murviel, ancien diocèse de Béziers, entra de bonne heure dans la congrégation de Saint-Sulpice, et professa dans divers séminaires, notamment à Nantes, à Toulouse et à Reims. Ses supérieurs allaient l'appeler à Paris, lorsque la révolution éclata. Forcé de fuir, il vint dans son pays natal passer le temps de la Terreur, et exerça à Saint-Gervais le ministère pastoral, au milieu de dangers de tout genre. Devenu supérieur du séminaire d'Aix, il mourut dans cette ville le 24 août 1829, avec le titre de vicaire général de ce diocèse.