Charles Thomas Thibault : Différence entre versions

De Marquerose
Aller à : navigation, rechercher
(Page créée avec « == Biographie selon Fisquet == Né à Beynes, canton de Montfort-l'Amaury (Seine-et-Oise), le 24 février 1796, de parents recommandables appartenant au commerce ; Charl... »)
 
(Aucune différence)

Version actuelle datée du 5 janvier 2019 à 17:34

Biographie selon Fisquet

Né à Beynes, canton de Montfort-l'Amaury (Seine-et-Oise), le 24 février 1796, de parents recommandables appartenant au commerce ; Charles-Thomas était fils de Charles Thibault, épicier, qui mourut à Mantes le 10 décembre 1847, à l'âge de 83 ans, et de Rosalie-Victoire Lemaire. Il commença ses études dans le collège de Nogent-le-Rotrou, alors dirigé par un ancien missionnaire, l'abbé Beulé. Il vint ensuite les continuer à Paris dans l'institution de l'abbé Liautard, depuis collège Stanislas, où il prit place parmi les élèves les plus laborieux et aussi les plus distingués. Sa philosophie terminée, il entra en 1816 au séminaire de Saint-Sulpice, et y fit aimer son doux caractère et son esprit.

Ordonné prêtre le 26 février 1820, par MGR Charles Mannay, ancien évêque de Trêves, élu évêque de Rennes, M. l'abbé Thibault fut aussitôt nommé desservant de Gassicourt, petite paroisse aux portes de Mantes-sur-Seine, au sein de sa famille, qui s'y était fixée depuis 1809. Cette même année, Mgr d'Astros qui, au mois de juillet, venait d'être sacré évêque de Bayonne, l'enleva à son petit troupeau en le nommant son secrétaire intime, et le 13 août, chanoine titulaire de la cathédrale de cette ville. Cette nomination faite à titre de joyeux avènement, fut confirmée par ordonnance royale du 15 mars 1821, et M. l'abbé Thibault prit, l'année suivante, possession de son canonicat. Le vénérable prélat se plaisait à l'initier à la pratique des affaires en l'admettant dans tous ses conseils, et à le former au ministère évangélique en le chargeant du soin de prêcher les populations pendant ses visites pastorales.

Lorsque Mgr d'Astros eut été promu, le 16 mars 1830, à l'archevêché de Toulouse, pour succéder au cardinal de Clermont-Tonnerre, M. Thibault, à qui le séjour de Bayonne ne plaisait que médiocrement, se décida à venir à Paris en 1832. Les succès qu'il avait déjà obtenus dans la chaire étaient connus dans la capitale ; plusieurs curés l'invitèrent à prêcher dans leurs églises, après un Carême donné par lui dans l'église de Saint-Merry, et pour attacher un sujet aussi distingué au diocèse de Paris, Mgr de Quelen le nomma, en 1833, au canonicat laissé vacant à Notre-Dame par la nomination de M. l'abbé Va-layer à l'évêché de Verdun.

Après avoir pris possession, M. Thibault continua de se livrer avec zèle à la prédication, et fut en outre appelé à la direction de plusieurs communautés religieuses, telles que l'Hôtel-Dieu, l'Abbaye-aux-Bois, etc. Une ordonnance royale du 1er mai 1835 l'appela à remplacer, sur le siège épiscopal de Montpellier, le vénérable Marie-Nicolas Fournier, qui, pendant vingt-huit ans, avait été le guide, l'exemple et le bienfaiteur de cet important diocèse. Bien que le clergé et les fidèles se fussent jusque-là bercés de l'espérance d'obtenir pour pasteur un saint ecclésiastique, qui, depuis le Concordat, avait partagé les soins de l'administration diocésaine, la nomination de M. l'abbé Thibault fut accueillie avec bonheur, surtout lorsqu'on apprit qu'à peine nommé, le prélat s'était empressé de s'informer de tous les besoins de l'Église à la tête de laquelle la Providence venait de le placer, qu'il s'apitoyait sur les ravages que le choléra faisait alors dans une partie de son troupeau, et qu'il envoyait une somme d'argent assez considérable pour être distribuée aux malades les plus nécessiteux. On se plaisait aussi à louer son zèle, sa sagesse et ses lumières ; on se félicitait d'avoir, pour nouveau pasteur, un évêque selon le cœur de Dieu, tel que l'on avait aimé son digne prédécesseur. Les espérances ne furent point trompées, et, si quelques esprits tracassiers lui suscitèrent des difficultés dans les premières années de son épiscopat, les préventions mauvaises ne tardèrent pas à tomber, et Mgr Thibault ne combattit l'injustice qu'à force de pardon, de charité et de bienfaits.

Préconisé dans le consistoire du 24 juillet 1835, et la publication de ses bulles d'institution canonique ayant été autorisée en la forme d'usage par une ordonnance royale du 22 août suivant, il fut sacré le lendemain à Paris dans la chapelle de la Congrégation des Prêtres de la Mission, rue de Sèvres, n° 95, par Mgr Hyacinthe-Louis de Quelen, archevêque de Paris, assisté de Mgr Charles de Forbin-Janson, évêque de Nancy et Toul, et de Mgr Louis-Edmond-Marie Blanquart de Bailleul, évêque de Versailles. Le nouvel évêque arriva à Montpellier le 15 septembre, et son entrée dans sa ville épiscopale fut un véritable triomphe pour la religion qu'on vénérait dans sa personne, et dont il était au sein d'un clergé nombreux et aimé, le premier et le plus haut représentant. Son premier acte fut un acte de charité. Instruit que trois pères de famille honnêtes et malheureux étaient à ce moment détenus pour dettes, il les fit rendre à la liberté en désintéressant leurs créanciers. Selon l'avis de l'Apôtre, il ne fit acception de personne, car un protestant était du nombre des trois prisonniers. Presque aussitôt après, il présida la retraite pastorale qu'il clôtura le 29 de ce mois dans la cathédrale de Saint-Pierre, au milieu d'un immense concours de fidèles. Le 19 novembre suivant, il bénit à Cette une nouvelle église, celle de Saint-Pierre de la Bourdigue, dont il obtint l'érection en succursale en 1839. Mgr Thibault accueillit, le 26 mars 1836, dom Simon de Gardiola, évêque d'Urgel, moine du Mont-Cassin, fuyant les massacres qui désolaient l'Espagne, et lui donna, dans son séminaire, une hospitalité dont ce prélat profita jusqu'au 17 novembre 1847. Le 20 septembre de cette année 1836, il se rendit à Béziers pour y bénir la première pierre du monument que la Société archéologique de cette ville se proposait de faire élever en l'honneur de Pierre-Paul Riquet, créateur du canal des Deux-Mers. Le 30 mai 1838, il reçut, à l'entrée du faubourg de Nîmes, quelques parcelles des reliques de Saint-Roch, tirées de l'église de Saint-Trophime d'Arles, et accordées à Montpellier par Mgr Joseph Bernet, archevêque d'Aix, Arles et Embrun. Il les porta ce jour-là en procession solennelle à la cathédrale, et le lendemain, dans l'église paroissiale de Saint-Roch où il les renferma dans une châsse d'argent. Pour conserver le souvenir de cette translation, et pour augmenter la piété des fidèles envers l'un des plus illustres enfants de Montpellier, il établit une fête annuelle, et en fixa la célébration à perpétuité, au dimanche dans l'octave de l'Ascension.

A cette époque, Mgr Thibault eut à défendre l'exercice de sa juridiction contre une puissante confrérie de Montpellier, celle des Pénitents-Bleus, propriétaire de l'ancienne église de la Merci, où, lors de la circonscription des paroisses du diocèse (29 juillet 1803), avait été établie celle de Sainte-Eulalie. Désireuse de rester seule maîtresse de l'église qu'elle avait achetée de ses deniers, la royale Compagnie des Pénitents-Bleus intenta un procès en délaissement contre la fabrique de la paroisse, mais un jugement rendu le 3 mars 1836, par le tribunal de première instance, rejeta sa demande. Sur l'appel interjeté par la Confrérie, intervint, le 17 août 1837, un arrêt de la cour royale de Montpellier, qui lui donna gain de cause, ordonna à la fabrique de Sainte-Eulalie d'évacuer les lieux dans un an, et la condamna à payer huit cents francs de dommages-intérêts. Se prévalant de cet arrêt, les Pénitents-Bleus sommèrent, le 22 août 1838, M. l'abbé Cabassol, curé de Sainte-Eulalie, d'avoir à abandonner l'église, et le 30 du même mois, des huissiers, des gendarmes assistés du juge de paix, chassèrent Dieu de son temple. En présence d'un pareil scandale et de débats qui lui paraissaient ne pouvoir occasionner que du mal à la religion, Mgr Thibault rendit, le même jour, une ordonnance longuement motivée, par laquelle il interdisait au culte catholique l'église de Sainte-Eulalie à partir du jour où le service paroissial y cesserait, et supprimait la Compagnie des Pénitents-Bleus du nombre des associations religieuses du diocèse. Ainsi expulsée, la fabrique de cette paroisse, intenta contre la Confrérie, une action en référé, et le vice-président du tribunal ordonna le lendemain la réouverture de l'église. Au moment où la cour royale délibérait sur l'opposition formée par les propriétaires à l'exécution de cette ordonnance et rendait un nouvel arrêt qui la réformait, M. le préfet de l'Hérault prenait un arrêté contraire, et élevant le conflit, revendiquant la connaissance de cette affaire comme administrative par sa nature, déclarait que l'église de la Merci étant désignée pour le culte de la paroisse Sainte-Eulalie, y demeurerait exclusivement affectée jusqu'à ce qu'il pût y être pourvu d'une autre manière, sauf aux propriétaires de cette église à s'entendre avec la fabrique ou avec la ville de Montpellier, pour le loyer qui leur serait dû, ou à défaut de conventions amiables, à se pourvoir devant qui de droit pour faire fixer la quotité de ce loyer. M. le maire de Montpellier ayant pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer l'exécution de cet arrêté, Mgr Thibault s'empressa de lever l'interdiction jetée sur l'église, et le lendemain (2 septembre 1838), accompagné des deux vicaires généraux, de deux membres du chapitre cathédral et de deux curés, se rendit pour les prières expiatoires, à Sainte-Eulalie, où les paroissiens l'accueillirent avec des transports d'enthousiasme. Cependant, la procédure se poursuivait ; un arrêt de la Cour de cassation déclara le 18 mars 1839, que la Cour royale de Montpellier, par son arrêt du 17 août 1837, avait excédé ses pouvoirs, et violé formellement les lois sur la propriété privée et sa transmission, celles sur la compétence et sur la séparation des pouvoirs, etc. Enfin, les propriétaires de l'église de la Merci étant parvenus à s'entendre avec la ville pour la vente de cet édifice, Mgr Thibault révoqua, le 17 février 1843, la partie de son ordonnance qui prononçait la suppression de la confrérie des Pénitents-Bleus, et, après avoir fait toutes ses soumissions au prélat, cette Compagnie reprit, le 10 avril suivant, l'exercice du culte dans l'église de l'Hôpital général. Elle fit ensuite construire une nouvelle église, rue des Étuves, et Mgr Thibault en fit la dédicace le 16 juin 1846. Ainsi fut terminée une affaire qui, pendant plusieurs années, tint en suspens l'opinion publique, et sur laquelle nous nous sommes un peu étendus, parce qu'elle ne sera pas une des moins curieuses de l'histoire du diocèse de Montpellier, pendant l'épiscopat de Mgr Thibault, qui, pour soutenir son autorité, avait tout d'abord employé les voies paternelles de la conciliation contre la Compagnie des Pénitents-Bleus. La connaissance du droit canonique et des lois civiles qui règlent ou modifient les dispositions du droit ancien, lui était trop familière pour permettre la moindre atteinte à sa juridiction.

Ce prélat bénit, le 1er mai 1846, la première pierre du nouveau palais de justice à Montpellier, et, le 9 de ce mois, publia un Mandement portant condamnation d'un ouvrage intitulé : Vie de Mr P.-F.-X. Coustou, vicaire général du diocèse de Montpellier, chevalier de la Légion d'honneur, par M. l'abbé Coste, curé de Pézenas, 1845, in-8°. Le 27 octobre suivant, il bénit une église nouvellement construite dans la commune de Puéchabon. Accompagné de M. l'abbé Raynaud, vicaire général ; de M. l'abbé Vinas, curé de Notre-Dame à Montpellier, et de M. l'abbé Bouis-set, curé de Baillargues, il fit, en juillet 1847, un voyage ad limina apostolorum, reçut du Souverain Pontife Pie IX le plus bienveillant accueil, et en obtint l'érection de sa cathédrale, dédiée à saint Pierre, en basilique mineure. Cette faveur insigne, qui n'a été accordée qu'à quatre ou cinq Églises en France, donne aux chanoines titulaires le droit de porter la mosette violette, et la cappa-magna, et d'être précédés dans les processions par une oriflamme blanche, ornée des armoiries du chapitre. Le 10 novembre de la même année, il donna un très-remarquable Mandement à l'occasion de la mission si éminemment providentielle au temps présent de Sa Sainteté Pie IX, et prescrivit des prières et des quêtes en faveur de cet illustre Pontife, dont on attaquait déjà l'œuvre réformatrice, en attendant que l'on sapât sa royauté de dix-huit siècles.

Une ordonnance épiscopale, en date du 2 décembre 1851, confirmée par lettres apostoliques du 15 juillet 1852 et du 11 août 1853, donna au chapitre cathédral l'organisation que nous avons mentionnée à la page 34 de ce volume. Le diocèse de Montpellier fut alors divisé en deux archidiaconés, celui de Saint-Pierre et celui de Notre-Dame des Tables. Le premier comprend trois archiprêtrés : Saint-Pierre de Montpellier, Saint-Fulcran de Lodève et Saint-Étienne d'Agde. Le second archidiaconé fut divisé en deux archiprêtrés : Saint-Nazaire de Béziers et Saint-Pons. Cette division ecclésiastique avait, comme on le voit, l'avantage de rappeler, par les archiprêtrés, les anciens sièges épiscopaux que le département actuel de l'Hérault avait autrefois sur son territoire.

Mgr Thibault présida, le 17 avril 1855, en présence d'une foule immense, à la cérémonie de la pose de la première pierre du nouveau chœur de la cathédrale de Montpellier, flanqué de deux chapelles latérales. Cette construction nouvelle, agrandissant de moitié la vieille église, fondée le 1er octobre 1364, par le pape Urbain V, et dédiée par lui, le 14 février 1366, donne à cet édifice une longueur de près de cent mètres, et le place désormais parmi les plus beaux de l'architecture ogivale. Après avoir assisté, avec la plupart des évêques de France, au baptême du Prince Impérial, le 14 juin 1856, il présida à Bollène (Vaucluse), le 19 septembre 1858, à la translation du corps de sainte Dieudonnée, martyre de nom propre, octroyé par Pie IX aux religieuses de l'Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement de cette ville. Le 24 octobre 1859, il fut du nombre des prélats qui honorèrent de leur présence l'inauguration de la statue monumentale de la très-sainte Vierge, érigée sur la basilique de Notre-Dame des Doms, à Avignon. Enfin, le 15 août 1860, en présence du clergé de toutes les paroisses de la ville et des autorités civiles et militaires, il bénit et posa solennellement la première pierre de l'église monumentale, élevée à saint Roch, comme un témoignage impérissable de l'amour, de la vénération et de la reconnaissance de ses concitoyens. Tels sont les actes principaux de l'épiscopat de Mgr Thibault. Nous ne parlerons pas ici des missions nombreuses, prêchées par ce prélat, à Montpellier, en 1841 ; à Béziers, en 1842 ; à Lodève et à Saint-Pons, l'année suivante, etc. Tous les jours, il était en chaire dès cinq heures du matin, et la foule se pressait autour de l'homme apostolique, qui ne quittait alors la tribune chrétienne que pour entrer au confessionnal. Nous n'énumérerons pas les œuvres pieuses entreprises par l'évêque de Montpellier, l'établissement des Carmélites, dans le couvent de Saint-Charles (2 avril 1837), la direction du séminaire diocésain, confiée aux Lazaristes (1846), l'Adoration perpétuelle du Très-Saint-Sacrement, établie dans le diocèse, ainsi que des missions et des retraites ; la fondation d'une caisse de prévoyance pour les prêtres âgés et infirmes ; la promulgation d'ordonnances synodales, faites en vertu des décrets du concile provincial d'Avignon, auquel il assista, du 8 au 23 décembre 1849 ; l'érection en succursales des églises de Palavas (6 octobre 1843), de Fontanès, de Sainte-Croix de Quintillargues, et de Pardaillan (24 avril 1847) ; la bénédiction du nouveau cimetière de Saint-Lazare (14 septembre 1849), la bénédiction de l'église de Montarnaud (avril 1850) et bien d'autres encore.

A la tête de toutes les œuvres qui le préoccupèrent, on doit placer la tâche si importante et si difficile du recrutement du clergé. La direction de ses séminaires, leur agrandissement, le progrès des études, l'accroissement du nombre des élèves ne cessèrent pas d'être l'objet de ses soins les plus assidus, et il put arriver ainsi à faire créer et desservir un grand nombre de succursales et de vicariats, pour faciliter aux populations dispensées des montagnes l'accomplissement de leurs devoirs religieux. Il s'occupait, avec non moins de zèle, de faire réparer ou reconstruire les églises de son diocèse.

L'association des sœurs garde-malades, l'institution de la solitude de Nazareth, pour les infortunées qui ne trouvaient pas d'asile à leur sortie de la maison centrale de détention, l'établissement des Petites-Sœurs des pauvres, la fondation de trois colonies agricoles, pour les orphelins et les jeunes détenus, la création d'une maison destinée aux sourds-muets, de plusieurs orphelinats et de plus de cent écoles, de larges aumônes, souvent prélevées sur ses plus pressants besoins, en faveur des victimes de tous les fléaux qui atteignirent notre pays pendant les vingt-six années de son épiscopat : telles sont encore les œuvres qui feront vivre le souvenir de Mgr Thibault dans le diocèse de Montpellier, souvenir que conserveront aussi ceux de nos soldats blessés en Crimée, auxquels, pendant trois années, il abandonna sa magnifique maison de campagne.

Il est douloureux de reconnaître que ces éminentes qualités, ce dévouement aux plus chers intérêts de l'Église, ce zèle infatigable ne purent épargner au prélat de cruelles épreuves : il les subit en silence, et se borna, pour toute satisfaction, à inscrire dans son testament les paroles suivantes : « Au nom de la très-sainte et divine Trinité, Père, Fils, et Saint-Esprit, que je prie de, me pardonner mes fautes, comme je pardonne à tous ceux qui m'ont offensé, je veux et je prescris de brûler tous les papiers qui seront trouvés chez moi, et qui pourraient, en incriminant des tiers, justifier mes actes, aimant mieux souffrir de la calomnie, même après ma mort, que d'avoir raison de mes adversaires en leur faisant du mal, à eux ou à leur réputation : la mesure du pardon qui nous sera fait étant celle du pardon fait aux autres. J'institue pour mes légataires universels mon grand séminaire et les pauvres de Montpellier. »

Ces quelques lignes, où Mgr Thibault exprimait ses dernières volontés, témoignent assez de l'élévation de ses sentiments et de sa charité vraiment chrétienne.

Mgr Thibault était venu à Paris pour les affaires de son diocèse, lorsqu'il fut, le samedi, 4 mai 1861, frappé d'une attaque d'apoplexie au poumon. Il eut toutefois le temps de recevoir les derniers secours de la religion, et d'édifier les amis qui l'entouraient par une admirable résignation à la volonté du ciel. Son Em. le cardinal Morlot, archevêque de Paris, accourut auprès de son collègue, et lui donna, quelques minutes avant sa mort, une dernière bénédiction. Le corps du prélat défunt fut aussitôt embaumé pour être transporté à Montpellier, où il arriva le mardi, 7 du même mois. Ses obsèques furent célébrées le samedi suivant. Le cortège funèbre, précédé d'un piquet de hussards à pied, partit du palais épiscopal à huit heures du matin et se dirigea vers la cathédrale. Les confréries des Pénitents Blancs et Bleus, les enfants et les vieillards des hospices, les élèves du séminaire, les élèves du lycée, marchaient sur deux files processionnelles. Les draps d'honneur, au nombre de neuf, étaient portés dans l'ordre suivant ; par les représentants des médaillés de Sainte-Hélène, de la société militaire de Saint-Maurice, de la Société archéologique, dont Mgr Thibault était membre honoraire et l'un des bienfaiteurs, du séminaire, des congrégations religieuses établies à Montpellier, des curés des paroisses de la ville, des chanoines honoraires et des chanoines titulaires.

Mgr Debélay, archevêque d'Avignon, s'avançait ensuite à quelque distance du corps, qui était porté à bras, sur un lit de parade, par des élèves du grand séminaire et des membres de la confrérie des Pénitents-Bleus. Derrière le dais qui l'abritait venaient les personnes composant le deuil, dans les rangs desquelles on remarquait M. le général Gagnon et de nombreux officiers de la garnison ; M. le comte de Guernon-Ranville, secrétaire général de la préfecture, représentant le préfet du département, en tournée de révision ; M. Pagézy, maire de Montpellier, accompagné de ses adjoints et du corps municipal ; de M. le Recteur, de MM. les Inspecteurs de l'Académie ; des professeurs des Facultés de médecine, des sciences et des lettres ; des membres de la cour impériale, des tribunaux de première instance et de commerce ; des fonctionnaires, des membres de la Société de Saint-Vincent de Paul et d'un grand nombre de notabilités de tout ordre. La musique militaire alternait avec les roulements des tambours voilés de crêpe.

Vers dix heures, le cortège prit place dans la cathédrale, richement tendue de draperies noires frangées d'argent, et sur lesquelles se détachaient, en broderies blanches, les armoiries du prélat défunt. Au milieu de la nef s'élevait un somptueux catafalque, éclairé par les flammes qui jaillissaient de quatre trépieds. Mgr Debélay, archevêque métropolitain, officia pontificalement. La messe de Cherubini fut chantée par la maîtrise de Saint-Pierre. M. l'abbé Paulinier, alors curé de Sainte-Ursule, à Pézenas, aujourd'hui curé de Saint-Roch, à Montpellier, prononça, avec le talent qui le caractérise, l'éloge funèbre de Mgr Thibault. Cette cérémonie, qui avait attiré une immense affluence se pressant sur le parcours du cortège et couvrant les abords de la cathédrale, ne se termina qu'à une heure et demie de l'après-midi. La veille et l'avant-veille, une grande partie de la population montpelliéraine était allée visiter la chapelle ardente où se trouvait exposé le corps du prélat, qu'on inhuma dans un des caveaux de la cathédrale.

Créé comte romain et prélat assistant au trône pontifical, par un bref du 20 juillet 1847, Mgr Thibault devint chevalier de la Légion d'honneur le 30 avril 1836, officier de cet ordre le 10 janvier 1853, et commandeur le 11 août 1859. Le roi de Sardaigne, Charles-Albert, le fit commandeur de l'Ordre religieux et militaire de Saint-Maurice et de Saint-Lazare, le 27 juillet 1845, et, par un décret du 19 avril 1856, Isabelle II, reine d'Espagne, le nomma grand'croix de l'Ordre royal de Charles III, en récompense des services qu'il n'avait cessé de rendre aux Espagnols de toutes les classes et sans acception d'opinion. II était aussi chevalier grand'croix de l'Ordre insigne du Christ et de l'Ordre du Saint-Sépulcre.

Les diocèses de Paris, de Bayonne, de Grenoble et de Versailles le comptaient au nombre de leurs chanoines d'honneur.

Ses armoiries étaient : d'azur, à cinq gerbes de blé d'or, posées-en croix, 1, 3 et 1, liées de gueules, et pour devise : Messis multa.